Question de Confiance
Chapitre II : Histoires de Famille
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Auteur: Aline
Date de création: Août 2001
Droits divers: Les personnages sont la propriété de
Michael Crichton, de la WB, d'Amblin et de la chaîne qui détient les droits de
diffusion.
Fanfic tous publics
Le texte est la propriété de l'auteur
***
" A quelle heure as-tu dit
qu'elle arrivait ? "
" Vers onze heures, quand elle a téléphoné, Jenn m'a dit qu'elle avait
encore des courses à faire et qu'elle l'amenait tout de suite après. Susan,
crois-moi, tu as tout ton temps ! "
Mark éclata de rire en la voyant sortir de la cuisine en train de mélanger
divers ingrédients dans une terrine, les manches de sa chemise retroussées
jusqu'au coude et le visage couvert de farine.
" Et ça n'a rien de drôle ! " s'exclama-t-elle.
" Oh, je t'assure que si ! Tu es adorable comme ça, mais c'est très drôle
quand même ! "
" J'aimerais t'y voir ! " rétorqua-t-elle avec une grimace.
" Moi j'aurais acheté un gâteau tout prêt, tu sais, ceux qu'on doit
juste mettre au four et ne pas laisser brûler ! "
" Tu es un père indigne ! " fit-elle en retournant dans la cuisine.
Il sourit et secoua la tête. Susan était décidément quelqu'un
d'exceptionnel. Il le savait déjà depuis longtemps, mais tout le temps qu'ils
avaient passé ensemble n'avait fait que le lui confirmer, et il regrettait
aujourd'hui d'avoir perdu toutes ces précieuses années tout simplement parce
qu'il n'avait pas eu le courage de lui avouer son amour plus tôt.
" Au fait, quand est-ce que Chloe sera de retour ? " demanda-t-il en
se levant pour la rejoindre.
" Je vais la chercher cet après-midi à l'aéroport, pourquoi ? "
" Je me disais qu'on pourrait aller au cinéma tous les cinq cet après-midi,
ils repassent des vieux classiques de Walt Disney. "
" Au cinéma ? "
" Oui, c'est une mauvaise idée ? "
" Non, bien sûr que non ! Je suis sûre Suzie adorerait ça et je ne pense
pas que Chloe y verra pas d'inconvénient. "
" Attends, tu as de la farine plein la figure… " murmura-t-il en
s'approchant d'elle. Il passa une main sur ses joues, mais au même moment, elle
prit un peu de poudre blanche et la lui jeta au visage en rigolant.
" Ah c'est comme ça ? " s'exclama-t-il en riant lui-aussi. " Hé
bien dans ce cas ! " Il prit à tour de la farine et au bout de quelques
minutes tous les deux en étaient recouverts. Il l'attira contre lui et la garda
serrée dans ses bras tandis qu'il l'embrassait.
" Imagine que ta fille et ton ex-femme arrivent maintenant "
chuchota-t-elle. " Nous aurions l'air malin ! "
Il éclata de rire. " Je t'assure que ça pourrait être très amusant !
Mais il vaut quand même mieux que j'aille me changer. "
Elle hocha la tête et le suivit des yeux tandis qu'il quittait la cuisine,
pensant au bonheur immense qu'elle avait d'être avec lui.
***
Elizabeth entrouvrit les yeux et les referma aussitôt, éblouie par la lumière
du matin qui passait par la fenêtre dont les stores n'étaient pas baissés.
Elle se retourna lentement, faisant grincer les ressorts du lit. Elle se
redressa alors brusquement pour constater qu'elle se trouvait dans une chambre
qui n'était pas la sienne et qu'elle ne connaissait pas. Elle portait toujours
ses vêtements du soir précédent mais était incapable de se souvenir de ce
qu'il s'était passé. Elle se rappelait être allée boire un verre avec Luka,
puis ils avaient pris sa voiture car elle se sentait trop fatiguée pour
conduire. Et le lendemain matin, elle se réveillait dans un lit qu'elle soupçonnait
d'être le sien sans savoir ce qu'ils avaient fait - ou pas fait - entre deux.
Elle se leva lentement, remit un peu d'ordre dans ses épais cheveux roux et
enfila le chemisier crème, qui avait remplacé le bleu de la veille, par-dessus
son t-shirt sans manches. Elle quitta ensuite la chambre et se retrouva dans la
petite cuisine. Sur la table étaient préparés des tranches de pain grillé et
un pot de marmelade, accompagnés d'un petit mot écrit sur un morceau de papier
à carreaux. Elle s'en saisit et lut l'écriture régulière - presque trop régulière
pour être celle d'un médecin - de Luka. " Vous vous êtes endormie
dans la voiture, je n'ai pas voulu vous réveiller. Si vous souhaitez prendre
une douche, l'eau risque d'être coupée vers dix heures, mais il y a une réserve
à côté de la baignoire. Je vous vois à l'hôpital, Luka. "
***
Elizabeth sourit en reposant le billet. Luka était vraiment quelqu'un
d'adorable. Même s'il leur était arrivé de se trouver en désaccord au sujet
de cas médicaux, elle s'était rendu compte en discutant avec lui le soir précédent
qu'ils s'entendaient très bien. Alors qu'elle n'avait pas vu d'hommes depuis sa
rupture avec Mark, elle avait passé une excellente soirée, de loin la
meilleure de ces deux derniers mois. Ils avaient parlé de tout et de rien, de
leur carrière, de leur famille. Elle savait que sa femme et ses enfants avaient
disparu tragiquement pendant la guerre en Croatie, mais comme il n'avait pas
l'air de vouloir en discuter, elle n'avait pas insisté. Il n'était pas dans
ses habitudes de s'imposer dans la vie privée des gens ni de forcer les
confidences des autres.
Elle prit une tranche de pain et jeta un œil autour d'elle. La pièce dans
laquelle elle se trouvait était petite et d'une grande simplicité, fortement
marquée par les années qui passaient. Le papier-peint bleu qui recouvrait les
murs se détachaient par endroits et le carrelage, qui avait dû être blanc à
l'origine, avait pris une couleur brun-beige. La cuisine ne comportait que le
minimum nécessaire, c'est-à-dire un petit réfrigérateur, un four et une
cuisinière à gaz et une petite table entourée de deux chaises qui se
trouvaient au centre de la pièce. Lorsqu'elle eut terminé sa tranche de pain,
Elizabeth retourna dans la chambre pour récupérer ses affaires et quitta
l'appartement après avoir juste écrit " Merci pour tout " en
bas du billet qu'il lui avait laissé.
***
Susan venait de finir de se changer lorsque la sonnerie retentit. Elle se
trouvait dans le living room avec Mark, et quand il se leva pour aller ouvrir,
il la prit par la main pour qu'elle aille avec lui. Il n'y avait aucune raison
qu'elle se cache sous prétexte que son ex-femme amenait leur fille chez lui.
Jenn ne lui avait jamais demandé quoi que ce soit avant de se remarier, et il
trouvait injuste que Rachel ait accepté ce mariage alors qu'elle était
insupportable avec les quelques petites amies qu'il lui avait présentées.
" Bonjour ma chérie " fit-il en ouvrant la porte. " Jenn…
"
" Salut " se contenta de répondre Jennifer en jetant un regard dans
la direction de Susan.
" Tu te souviens de Susan Lewis ? "
" Bien sûr " répondit-elle. " Je suis ravie de vous revoir.
"
" Moi aussi " fit Susan en serrant la main qu'elle lui tendait.
" Mon cœur, si tu allais poser tes affaires et aider Susan à mettre la
table ? " proposa alors Mark, sentant que son ex-femme voulait lui parler.
" D'acc " répondit Rachel en entrant. Toutes les deux disparurent
dans le couloir et Mark se tourna vers Jennifer.
" Quoi ? " demanda-t-il.
" J'aurais dû m'en douter. "
" Te douter de quoi ? "
" Que tu finirais avec elle. "
" Susan est quelqu'un de formidable, et je t'interdis de parler d'elle
comme ça ! "
" Oh, je n'en doute pas, mais ça confirme ce que je pensais à l'époque…
"
" Et qu'est-ce que tu pensais ? " demanda Mark, de plus en plus irrité,
tout en sachant très bien qu'avant leur divorce Jennifer était jalouse de
Susan car elle estimait qu'ils passaient trop de temps ensemble.
" Peu importe… Je passe chercher Rachel dimanche en début de matinée.
Amusez-vous bien. " Elle tourna les talons, laissant Mark perplexe.
Lorsqu'il avait rencontré Jennifer, ils étaient encore au lycée et elle avait
été le premier grand amour de sa vie. Ils étaient très jeunes lorsqu'ils s'étaient
mariés, mais à aucun moment ils n'avaient eu l'impression d'avoir fait une bêtise.
Même si tout n'était pas facile tous les jours, ils s'aimaient et seul cela
comptait. Ensuite Rachel était arrivée, et la vie n'aurait pas pu être plus
parfaite. Ils ne s'étaient même pas rendu compte que leur couple commençait
à battre de l'aile. Elle avait trouvé du travail à Milwaukee, ils ne se
voyaient presque plus et elle réussissait toujours à lui donner l'impression
qu'il en était coupable. Il refusait simplement de démissionner du County pour
prendre un autre emploi à Milwaukee, et lorsqu'elle avait décidé de déménager,
elle ne lui en avait même pas parler avant de l'annoncer à leur fille. Lorsque
les papiers du divorce avaient été signés, elle n'avait pas vraiment tardé
à sa remarier avec un certain Mr Simon, et il soupçonnait d'ailleurs qu'elle
ait entretenu une relation avec lui alors qu'ils étaient encore mariés.
Depuis, leur relation était restée extrêmement tendue, et les rares fois où
ils étaient forcés de se voir pour leur fille, ça se terminait presque
toujours à la dispute.
***
" Rachel, tu reprends de la soupe ? "
" Non merci " répondit-elle en repoussant son assiette. Durant
quelques secondes, elle observa Susan, assise en face d'elle, sans rien dire.
" Vos cheveux, ils étaient pas plus foncés ? " demanda-t-elle
finalement. Elle se rappelait assez bien de Susan, notamment de la fois où elle
et sa nièce étaient venues patiner avec eux. Il lui semblait qu'elle l'aimait
bien à l'époque, mais elle se souvenait surtout de la tristesse qu'avait
ressenti son père lorsqu'elle était partie. Avant cela, elle l'avait rarement
vu pleurer.
" C'est vrai " acquiesça Susan avec un sourire. Ils ont dû éclaircir
à cause du soleil. "
" Vous étiez où en Arizona ? "
" Phœnix "
" Ah… J'ai vu un film une fois qui se passe là-bas. "
" Vraiment ? "
" Ouais " Elle haussa légèrement les épaules. " Mais je me
rappelle même pas comment ça s'appelait… "
" Rachel, tu fais quoi, un interrogatoire de police ? " demanda Mark.
" Peut-être bien ! " répondit la jeune adolescente en se levant
brusquement de sa chaise. Mark poussa un profond soupire.
" Excuse-la " murmura-t-il " je crois que c'est l'âge. "
" Ca ne fait rien, on est tous passé par là… "
" Oui, mais je sens que la journée va être longue… "
***
Susan avait toujours détesté les aéroports, et celui, gigantesque, de Chicago
n'échappait pas à la règle. La seule fois où elle était venue y prendre
l'avion remontait à quatre ans. Elle avait prévu de partir en vacances à Hawaï
et avait même proposé à Mark de l'accompagner. Mais après une suite de
malentendus, ne sachant pas vraiment si elle l'avait invité juste comme ami où
s'il y avait autre chose, il avait finalement décliné son invitation. Ce
jour-là, elle avait alors décrété avec regret que les sentiments qu'elle
ressentait à son égard n'étaient pas réciproques et elle n'était même pas
allée jusqu'à Hawaï. En effet, à cause de sa phobie de l'avion, elle était
descendue à Phœnix et avait passé ses deux semaines de vacances avec Chloe ,
Joe et la petite Suzie. Ces événements avaient grandement influencé son départ
définitif de Chicago quelques mois plus tard.
Alors qu'elle pénétrait dans l'immense hall de l'aéroport, Susan ne put réprimer
un sourire en se rappelant la seule et unique fois où elle s'était sentie plus
ou moins en sécurité dans un appareil volant ; c'était dans un hélicoptère
de l'hôpital et Mark se trouvait auprès d'elle pour la rassurer. Elle soupira
en se disant qu'ils avaient vraiment été stupides de ne pas s'être rendu
compte plus rapidement qu'il y avait bien plus que de l'amitié entre eux, et
surtout que ce qu'ils ressentaient l'un pour l'autre n'était pas à sens
unique.
Elle s'assit sur un siège du hall tandis que la voix d'une hautesse annonçait
au haut-parleur que le vol en provenance de New York aurait vingt minutes de
retard. Elle s'empara d'un magazine qui traînait à côté d'elle et se mit à
le feuilleter pour passer le temps. Mais à aucun moment elle ne parvint à se
concentrer sur les textes et les images qui défilaient sous ses yeux. Ses pensées
allaient toujours vers Mark, en particulier vers tout ce qu'ils avaient vécu
ensemble sans jamais sans jamais se rendre compte qu'ils étaient faits l'un
pour l'autre. Elle avait vraiment souhaité qu'il lui dise oui lorsqu'elle lui
avait proposé de l'accompagner à Maui, et savait que s'il était parti avec
elle, jamais elle ne serait descendue de l'avion à Phœnix. Ils auraient passé
deux semaines merveilleuses ensemble et elle n'aurait sans doute jamais quitté
Chicago. Tout ce temps de gâché, c'est trop bête, pensa-t-elle en continuant
de tourner sans les voir les pages du magazine.
" Hé petite sœur ! " fit soudain la voix familière de Chloe, la
tirant de ses pensées. Elle se leva et marcha à la rencontre de sa sœur,
tandis que Suzie courrait vers elle se jetait dans ses bras.
" Et voici ma nièce préférée ! " s'exclama-t-elle en soulevant la
petite fille du sol. " Tu sais que tu m'as beaucoup manqué ? "
" Tu m'as manqué aussi, Tante Susan ! "
" Je te promets qu'en une semaine j'ai entendu ton nom une bonne centaine
de fois, elle était impatiente de te revoir ! "
" Moi aussi. Comment s'est passé le voyage ? "
Chloe et Suzie ne s'étaient absentées que huit jours pour rendre visite à une
ancienne amie de Chloe qui venait de s'installer à New York, et Susan n'osait
pas imaginer à quoi ressemblerait sa vie si elle ne les avait pas auprès
d'elle.
" A merveille, d'ailleurs Suzie a déclaré que la prochaine fois qu'elle
prendrait l'avion, tu irais avec elle ! "
" La pauvre, elle risque de devoir attendre longtemps ! " s'exclama
Susan avec une grimace.
Elles éclatèrent toutes les deux de rire, puis la mine de Chloe se fit plus
sombre lorsqu'elles entrèrent dans la voiture.
" Le moment est sûrement mal choisi pour te dire ça " commença-t-elle,
" mais j'ai reçu un coup de téléphone de papa l'autre jour… "
" Il t'a téléphoné ? A New York ? "
" Je lui avais donné mon numéro de portable. "
" Je vois. Et qu'est-ce qu'il voulait ? "
" Il s'étonnait que tu ne répondes jamais quand ils essayaient de téléphoner
chez toi… "
" Chez moi ? Qu'est-ce qu'ils me veulent ? "
" Je n'en sais rien, mais il veut que tu le rappelle… Ca avait l'air
important. "
Susan soupira. Cela faisait des mois qu'elle n'avait pas vu ses parents et
n'avait aucune envie de les appeler pour encore se disputer avec eux. Toute sa
jeunesse, ils n'avaient fait que de les rabaisser, elle et Chloe, les considérant
comme des incapables. Quand elle avait décidé qu'elle ferait médecine à la
fac, ils lui avaient presque rit au nez, lui disant qu'elle devrait choisir
quelque chose de moins difficile, qu'elle n'avait pas assez de caractère pour
s'imposer dans un monde tellement masculin. Mais le simple fait qu'ils lui répètent
sans cesse qu'elle n'en serait pas capable n'avait eu pour seul résultat que de
la pousser à persévérer et à se donner au maximum pour y arriver. Quand elle
s'était inscrite à la fac, elle avait dû prendre un travail à côté de ses
cours car ils refusaient de financer ses études, et même plus tard,
lorsqu'elle élevait seule la fille de sa sœur, ils avaient toujours refusé de
lui venir en aide. En faisant démarrer la voiture, elle ne put s'empêcher de
se demander ce qu'ils allaient encore trouver à lui reprocher.
***
Elizabeth quitta la salle de trauma sans le patient qu'elle aurait dû monter en
chirurgie. En réalité, elle était descendue pour rien puisque le pauvre homme
était déjà mort lorsqu'elle était arrivée aux urgences. Elle soupira en
poussant la porte de la salle de repos, qu'elle trouva déserte. Elle se fit
couler qu'elle but rapidement avant de ressortir. Elle devait remonter en
chirurgie, sans quoi ce cher Romano allait encore lui tomber dessus et lui faire
tout un tas de reproches qu'elle n'avait vraiment pas envie d'entendre. Elle
n'avait pas fait trois pas dans le couloir lorsqu'elle entendit quelqu'un
l'appeler derrière elle. Elle se retourna et découvrit Luka qui marchait dans
sa direction. L'espace d'un instant, le sourire qu'il lui adressa lui réchauffa
le cœur.
" Je vous ai cherchée toute la journée " fit-il en arrivant à sa
hauteur.
" J'ai été là-haut depuis ce matin. "
Il hocha la tête. " Vous avez bien dormi ? "
" Oui " répondit-elle en forçant un petit sourire. " Je vous
remercie pour tout. " Elle tenta de dissimuler le malaise qui
transparaissait dans sa voix, mais il n'était pas dupe.
" Est-ce que tout va bien ? "
" Je vous mentirais si je vous répondais que je suis en super forme, mais
on dira que ça peut aller. "
" Si je peux faire quelque chose… "
" Vous êtes gentil " l'interrompit-elle. " Ca va aller. "
Elle appuya sur le bouton d'appel de l'ascenseur. " Vous faîtes quelque
chose ce soir ? " lui demanda-t-elle soudain.
" Je n'ai rien de prévu. "
" Je termine à huit heures, ça vous dirait d'aller manger quelque chose
après ? "
" C'est une bonne idée, je finis un peu plus tôt mais je vous attendrai
chez Doc Magoo's "
Elle hocha la tête au moment où les portes de l'ascenseur s'ouvrirent. Elle s'écarta
pour laisser passer les gens qui en sortaient.
" On se retrouve là-bas vers huit heures alors " dit-elle encore
avant que les portes ne se referment sur elle. Elle n'était pas vraiment sûre
que ce repas soit une bonne idée, mais elle n'avait pas du tout envie de
rentrer chez elle pou manger un yaourt devant la télévision, seule.
***
" Je t'avais bien dit que la journée serait longue… " marmonna Mark
en se couchant à côté de Susan. Rachel avait été tout simplement
impossible, évoquant sans cesse et volontairement le nom d'Elizabeth, alors que
Mark savait très bien que pour le peu qu'elles s'étaient vues, elles ne s'étaient
pas spécialement bien entendues, malgré tous les efforts de son ancienne
petite amie. Rachel refusait tout simplement que son père voie une femme et se
fichait pas mal de pouvoir paraître désagréable. Ils avaient même renoncé
à la petite sortie au cinéma car elle avait décrété qu'elle n'irait pas
voir un dessin animé pour bébés. Susan se blottit contre lui, appuyant sa tête
sur son épaule, et il l'entoura de ses bras.
" C'est normal, Mark, qu'elle ait eu cette réaction. J'imagine que voir
son père avec quelqu'un d'autre que sa mère ne doit pas être une chose facile
pour elle… "
" Mais Jenn et moi sommes divorcés depuis cinq ans ! Que sa mère ait
toujours une vie, ça c'est normal, mais moi je n'y ai pas droit ! " Mark
ne pouvait s'empêcher d'être en colère vis-à-vis du comportement de sa
fille, même s'il l'avait plus ou moins prévu. Il ne se souvenait que trop bien
du dernier Thanksgiving, lorsqu'il lui avait présenté Elizabeth…
" Il faut juste lui laisser le temps de s'y habituer " reprit Susan de
sa voix douce. Mark baissa légèrement les yeux pour la regarder.
" Tu es incroyable… " murmura-t-il en jouant avec ses cheveux.
" Je sais " répondit-elle en souriant. " C'est pour ça que tu
m'aime non ? "
" Pour ça et pour tout le reste… "
Elle sourit. Elle n'avait pas envie de lui raconter la discussion qu'elle avait
eue avec son père quelques heures plus tôt. Il lui avait à peine dit bonjour
et demandé comment elle allait, qu'il commençait déjà à la sermonner sur le
fait qu'elle ne leur ait pas dit qu'elle vivait avec un homme, comme si elle
avait encore douze ans et qu'elle devrait leur rendre compte de ses moindres
faits et gestes. " Je suis une grande fille, papa " avait-elle dit, à
bout de patience. " Et je n'ai aucun compte à te rendre. " Elle lui
avait presque raccroché au nez lorsqu'il avait sèchement déclaré que cette
fois-ci, il espérait être prévenu le jour où il serait grand-père. Non
seulement il lui reprochait ses actions, mais aussi celles de sa sœur, et elle
en avait plus qu'assez de l'entendre lui mettre toujours tout sur le dos.
***
" Papaaaaaaa ! " Mark fut réveillé en sursaut par le cri de Rachel.
Le soleil était déjà levé, et Susan dormait toujours, serrée contre lui. Il
se glissa doucement hors du lit pour trouver sa fille devant la porte de sa
chambre.
" Elle a dormi là, elle ? " demanda-t-elle en désignant du menton la
pièce que Mark venait de quitter.
" Elle s'appelle Susan et oui elle a dormi là. Qu'est-ce que je peux faire
pour toi, Rachel ? "
" Je te rappelle que maman vient me chercher dans une heure environ, alors
je veux bien que tu fasses des câlins à ta chérie, mais il faut aussi que tu
me prépare mon petit-déjeuner. " Comme son père ne bougeait pas elle
ajouta : " S'il te plait "
Mark poussa un profond soupire et suivit sa fille à la cuisine. " Rachel,
avant que tu partes, j'aimerais que tu présentes des excuses à Susan pour ton
comportement d'hier. "
" Je ne vois pas pourquoi " rétorqua-t-elle, sur la défensive.
" Parce que tu t'es montrée affreusement désagréable, voilà pourquoi !
"
" Je fais ce que je veux, et tu ne me forceras à être gentille avec
personne ! "
" Dis-moi au moins ce qu'elle t'a fait pour que tu ne veuille pas être
gentille ! "
Rachel resta sans voix, les larmes perlant à ses paupières. Elle baissa
lentement la tête, fixant le sol des yeux.
" Alors ? "
" Rien " murmura-t-elle d'une voix à peine audible. Puis elle releva
lentement la tête. " Je suis désolée, papa, mais ça me fait bizarre que
tu voies d'autres femmes que maman… et à chaque fois de toute façon elles
s'en vont, alors un peu plus vite… "
Il s'approcha d'elle, la prit par les épaules et la regarda dans les yeux. Sa
colère était retombée et il lui parla d'une voix douce. " Susan ne va
pas partir, tu comprends ? Et même si c'est dur pour toi tu dois accepter que
ta mère et moi sommes séparés, et que nous avons chacun notre vie… "
" Et moi, dans tout ça ? " Une larme roula lentement sur la joue de
la fillette et Mark la prit dans ses bras.
" Je sais que c'est difficile, mais même si ta maman et moi ne nous aimons
plus, rien ne nous empêche de t'aimer très fort tous les deux… Tu comprends
? Et ce n'est pas parce qu'il y a quelqu'un d'autre dans ma vie que cela va
changer quoi que ce soit. "
" Est-ce que vous allez vous marier ? "
Le moment n'était pas vraiment choisi pour lui annoncer qu'ils y songeaient sérieusement,
et il préféra déformer légèrement la vérité. " Nous ne savons pas,
peut-être, mais nous avons le temps pour ça. "
" Et si vous avez des enfants, est-ce que tu m'aimeras toujours comme avant
? "
" Bien sûr que oui ma puce, même si j'ai d'autres enfants un jour, tu
resteras toujours ma petite princesse… "
Elle hocha la tête et essuya ses larmes, en partie rassurée par les paroles de
son père. " Si je ne la vois pas avant de partir, tu lui diras que je suis
désolée ? " Elle le pensait sincèrement. Elle s'était bien rendue
compte, le jour précédent, qu'elle avait été affreuse et que Susan devait la
considérer comme une petite peste. Mais elle avait tellement peur de perdre son
père que cela lui était égal. Elle s'était habituée à voir quelques femmes
passer dans sa vie sans qu'elles ne restent jamais, et l'idée qu'il puisse un
jour vraiment tomber amoureux d'une autre femme que sa mère ne lui était
jamais venue à l'esprit. Et puis il y avait d'abord eu Elizabeth, et maintenant
Susan. Elle voulait plus que tout que son père puisse être heureux, elle
savait qu'il avait beaucoup souffert ces derniers temps, mais ça n'en restait
pas moins étrange de le voir si attaché à quelqu'un. Etonnement, elle avait
trouver cela plus naturel pour sa mère, même si elle était incapable
d'expliquer pourquoi, tout en sachant bien que ce n'était pas juste.
" Je lui dirai, c'est promis… Vient, je vais te faire à manger. "
***
Rachel terminait son bol de céréales lorsque la sonnerie de la porte retentit.
" Voilà maman " murmura-t-elle en frottant sa figure. " Ca se
voit que j'ai pleuré ? "
Mark secoua la tête, et il alla ouvrir tandis qu'elle courrait dans sa chambre
chercher ses affaires.
" Ca s'est bien passé ? " demanda Jennifer lorsqu'il ouvrit la porte.
" C'est allé. Tu veux entrer boire quelque chose ? "
" Je n'ai pas le temps, je dois déposer Rachel chez ma mère et être au
tribunal pour onze heures. "
" Rachel peut rester ici si elle veut. "
" C'est gentil mais elle n'a pas vu sa grand-mère depuis au mois deux
mois. "
" Bien "
Rachel arriva au même moment. " Je suis prête. "
" Au revoir ma puce, ne fait pas tourner ta grand-mère en bourrique !
"
" J'essaierai " répondit la fillette en riant. " Et tu sais,
pour le cinéma, on pourra toujours y aller une autre fois… si tu veux bien…
"
" Bien sûr " fit-il en la serrant contre lui. " Allez, il faut
que tu y ailles, maman est pressée. " Elle hocha la tête, enfila sa veste
et quitta l'appartement en faisant de grands signes de la main. Mark soupira,
referma la porte et retourna dans la chambre sur la pointe des pieds.
" Je ne dors plus " lui annonça Susan lorsqu'il poussa la porte sans
faire de bruit.
" Tu es réveillée depuis longtemps ? "
" Vingt minutes. Rachel est partie ? "
" Jenn et elle viennent de s'en aller. Elle m'a demandé de te présenter
ses excuses " fit-il en s'asseyant auprès d'elle.
" Vraiment ? "
" Nous avons discuté, en réalité elle n'avait de particulier contre toi,
elle avait juste peur que je ne l'aime plus parce qu'il y a quelqu'un d'autre
dans ma vie… "
" Me voilà rassurée ! " fit Susan avec un petit sourire.
" La famille, c'est tellement compliqué parfois… " murmura-t-il.
" Oui, ça tu peux le dire… "
***
Fin du chapitre 2
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