La Place du Coeur
Chapitre VIII


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Auteur:   Aline

Droits divers:   Toujours la même chose, les personnages d'Urgences ne sont pas à moi, ils ont été créés par le grand maître Michael Crichton et lui appartiennent, etc. Par contre, tous les autres personnages (Elena, les médecins de San Francisco) ont été inventés par moi.
Les chansons utilisées dans ce chapitre sont Fear, interprétée par Sarah McLachlan, Killin' Kind, par Shelby Lynn et I Love You, également par Sarah McLachlan

***

Durant les jours suivants, une atmosphère pesante s'installa peu à peu entre John et Susan. Elle semblait devenir de plus en plus nerveuse, toujours plus tendue au fur et à mesure que les jours s'écoulaient de manière inexorable. Lorsqu'il lui demandait ce qui n'allait pas, elle assurait qu'elle était juste un peu fatiguée, mais John sentait qu'elle s'éloignait lentement de lui sans qu'il puisse faire quoi que ce soit pour la retenir. Cette situation, déjà difficilement supportable, empira encore lorsque, au bout d'une semaine, Joe rentra un jour à la maison annonçant que Chloe allait pouvoir quitter l'hôpital le lendemain. Les médecins pensaient en effet qu'elle était à présent hors de danger et qu'il n'était pas nécessaire qu'elle reste hospitalisée plus longtemps. A leurs yeux, le fait de retrouver son domicile et sa famille ne pourrait désormais que lui faire du bien. Mais malgré l'enthousiasme qui régnait autour d'elle, l'opinion de Susan, elle, ne changeait pas, elle ne parvenait toujours pas à se convaincre que Chloe était réellement prête à sortir.

Le temps était plus mauvais ce jour-là qu'il ne l'avait été depuis leur arrivée en Californie. Accoudée au rebord de la fenêtre, Susan écoutait les gouttes de pluie qui martelaient le sol dans vraiment prêter attention au temps qu'il faisait où aux gens qui passaient en se pressant sous ses yeux. Perdue quelque part dans ses pensées, elle ne cessait de ressasser les événements des dernières semaines dans sa tête, et réalisa soudain à quel point sa vie avait changé depuis ce fichu coup de téléphone que Joe lui avait passé près d'un mois plus tôt. Si seulement elle avait pu remonter le temps… Peut-être aurait-elle empêché John d'aller répondre ce soir-là, peut-être l'aurait-elle tout simplement attiré plus près d'elle, peut-être auraient-ils fait l'amour sur le canapé sans plus s'occuper de ce qui se passait autour d'eux. Peut-être auraient-ils eu une chance d'être heureux, peut-être n'aurait-elle pas connu toute cette souffrance. C'était sans doute un peu égoïste de sa part, bien sûr sa présence avait profité aussi bien à Susie qu'à Joe, mais elle-même, qu'y avait-elle gagné ? Elle poussa un profond soupire. Si elle n'était pas venue, elle s'en serait certainement voulu toute sa vie. Et à présent elle s'en voudrait certainement toute sa vie de ne pas être restée chez elle… Chez elle… ces mots prirent soudain une étrange consonance dans sa, comme s'ils avaient appartenu à une langue étrangère et qu'elle n'en saisissait plus le sens. Où était-ce donc, chez elle ?

Le crissement des pneus d'une voiture dans l'allée qui menait au garage derrière la maison la tira de ses pensées, mais elle ne bougea pas pour autant. Les secondes s'écoulèrent, interminables, puis soudain elle entendit la porte qui s'ouvrait, les cris de joie de Susie, les mots d'accueil chaleureux de John, les pleurs de Chloe. Quant-à-elle, elle était comme pétrifiée, incapable de faire le moindre mouvement. Un peu comme si tout cela c'était déroulé dans un film dont elle n'était que la spectatrice. Les pas se rapprochèrent alors dans le couloir, et bientôt elle put percevoir la présence de quelqu'un à quelques mètres derrière elle.

"Bonjour, Susie."

La voix de sa sœur eut pour effet de la sortir de sa torpeur. Elle pivota lentement sur elle-même, faisant à présent face à Chloe. Ses cheveux tombaient misérablement en mèches raides autour de son visage pâle et amaigri, et même s'il était évident qu'elle se portait mieux que trois semaines auparavant, elle avait toujours l'air faible et tellement fragile. En la voyant ainsi, et comme cela avait déjà été le cas lors de sa première visite à l'hôpital, Susan n'eut plus qu'une seule envie : la protéger. Lentement, elle parvint à décoller ses pieds du sol où ils semblaient jusqu'alors être fixés avec de la super-glue, et elle fit quelques pas maladroits et tremblant vers sa sœur. Elles restèrent un long moment en face l'une de l'autre, se détaillant en silence. Susan n'avait en réalité pas l'air en bien meilleur état que Chloe; elle aussi avait maigri, et ses grands yeux verts étaient cerclés d'épais cernes noirs dus aux trop nombreuses nuits sans sommeil. Chloe s'avança à son tour, et lorsqu'elles ne furent plus qu'à quelques centimètres l'une de l'autre, Susan la prit soudain dans ses bras, la serrant contre elle de toutes ses forces. Aucune des deux ne prononça le moindre mot tandis que leurs larmes se mêlaient les unes aux autres. Lorsqu'elles s'écartèrent enfin, Chloe eut un léger rire.

"On pourrait presque se demander laquelle de nous deux vient de passer trois semaines à l'hôpital…" murmura-t-elle. "Tu as une mine affreuse, petite sœur."

Susan sourit nerveusement. Chloe lui avait tellement manqué… Jamais elle ne la laisserait jamais revivre un tel enfer, jamais.

***

Susan était étendue dans la semi-obscurité qui baignait la chambre depuis une heure environ lorsqu'elle entendit la porte s'ouvrir. John pénétra doucement dans la pièce, pensant sans doute qu'elle dormait. Il s'assit sur le bord du lit et resta ainsi, sans bouger, pendant plusieurs minutes, avant qu'elle ne se retourne lentement vers lui.

"J'espère que je ne t'ai pas réveillée" murmura-t-il d'une voix douce.

"Je ne dormais pas. Quelle heure est-il ?"

"Pas tout à fait huit heures."

"Tout le monde est déjà levé ?"

"Chloe est encore couchée, Susie est avec elle."

Susan se redressa lentement en s'appuyant sur ses coudes.

"Susan" continua John, "il faut qu'on discute."

"De quoi ?" demanda la jeune femme, instantanément sur la défensive.

"Je viens de parler avec Joe, il pense qu'à présent que Chloe est rentrée, il vaudrait sans doute mieux que nous rentrions à Chicago…"

"Il se débarrasse de nous quand nous ne sommes plus nécessaires, c'est ça ?"

"Pas du tout, il pense que c'est mieux pour toi… et je suis d'accord avec lui…"

"Et pourquoi donc ?"

"Parce que tu en as déjà supporté énormément…"

"Et alors ? Je suis venue ici parce que Chloe avait besoin de moi, or il ne me semble pas qu'elle soit encore totalement remise…"

"Il y a autre chose, Susan… J'ai reçu hier un coup de téléphone de Kerry, elle était assez énervée… Au départ, on n'avait prévu de rester absents que deux semaines, or ça fait bientôt un mois que nous sommes ici…"

"Et ?"

"Elle s'est montrée très compréhensive tant que ta sœur était à l'hôpital. Mais cela fait deux jours qu'elle est rentrée et Kerry aimerait que nous en fassions de même…"

"Ou sinon ?"

"C'est simple, elle engagera quelqu'un d'autre et il ne nous restera plus qu'à chercher une place ailleurs…"

"Je vois… Et bien je m'en fiche ! Je te l'ai dit, Chloe a toujours besoin de moi, c'est encore trop tôt !"

John poussa un profond soupir.

"Susan, il faut que tu comprennes… Je ne peux pas risquer de perdre ma place, pas maintenant… je…"

"Et bien tu n'as qu'à rentrer sans moi" l'interrompit Susan d'un ton abrupte. "Ca m'est égal, tu fais ce que tu veux, moi je reste."

"Susan je t'en prie, soit un peu raisonnable…"

"John, pour l'instant ma place est ici, je ne pars pas maintenant. Si Kerry ne veut pas le comprendre, alors tant pis. Et si je dois chercher un nouvel emploi, alors en fin de compte peut-être que je ne rentrerai tout simplement pas à Chicago."

"Je te demande pardon ?"

"Tu as très bien compris. Peut-être que j'avais tout faux lorsque je suis retournée là-bas. Peut-être que c'est ici que je dois être, avec Chloe, Joe et Susie. Peut-être que si je n'étais pas partie…"

"Ne me dis pas que tu es sérieuse ?"

"Je suis on ne peut plus sérieuse, John" murmura-t-elle plus doucement. "Et je suis désolée si je te déçois…"

"Ce n'est pas la question… Je veux dire, jusqu'à présent, tu disais qu'être revenue à Chicago était la meilleure décision que tu aies prise depuis longtemps… je ne comprends pas…"

"Il n'y a rien à comprendre… Est-ce que tu ne t'es jamais trompé dans ta vie ? J'ai cru que c'était une bonne chose, mais à présent je ne suis plus sûre de rien… Ces trois semaines ont été un cauchemar, mais maintenant que Chloe est rentrée je veux passer un peu de temps avec elle, avant de décider de ce que je vais faire ensuite…"

Carter ouvrit la bouche pour protester, mais il était à court d'arguments. "Bien… j'imagine qu'il ne sert à rien que j'essaie de te faire changer d'avis…" se contenta-t-il de grommeler.

Susan hocha légèrement la tête, puis baissa les yeux, fuyant le regard presque implorant de John. En réalité, elle n'avait aucune envie de rester ici, pas plus que de retourner à Chicago. Elle se sentait totalement déboussolée, elle ignorait où elle était réellement à sa place, où elle pourrait être vraiment chez elle. Après quelques instants de silence, il se leva finalement en poussant un profond soupir, et quitta la pièce. Restée seule, Susan ramena ses jambes contre elle et y enfouit son visage. Qu'est-ce que j'ai fait, se demanda-t-elle, prenant soudainement conscience de ce que son refus de partir avec lui impliquait. Leur relation battait déjà de l'aile depuis quelques jours, et cette fois elle venait sans doute d'y mettre un terme définitif.


      But I fear I have nothing to give
      I have so much to lose here in this lonely place



***

Le reste de la journée s'écoula comme dans un rêve. Susan avait encore du mal à réaliser ce qu'il s'était passé entre elle et John, et elle ne le compris que lorsqu'il eut refermé la porte d'entrée de la maison derrière lui. Elle eut alors l'impression de ne plus être en mesure de ressentir la moindre émotion, pas même de la tristesse. Son cœur était totalement vide. Lentement, elle regagna sa chambre et se laissa tomber sur le lit. La maison était entièrement silencieuse; Joe avait accompagné John à l'aéroport, Susie jouait chez Elena avec la nièce de celle-ci, et Chloe se trouvait à l'étage où elle était montée se reposer deux heures plus tôt. Ce silence avait quelque chose de troublant, de gênant. Peut-être parce que c'était la première fois qu'elle se retrouvait seule ici… Elle était plongée dans ses pensées, lorsque quelque chose qui se trouvait par terre, à moitié caché sous le lit, attira son attention. Elle se pencha pour le ramasser, et constata qu'il s'agissait d'une feuille de papier, qu'elle crut être vierge jusqu'à ce qu'elle la retourne. C'était le dessin que la petite Susie lui avait fait au début de leur séjour, qui les représentait John et elle en mariés. Un frisson la parcourut lorsqu'elle lut leurs noms associés l'un à l'autre au bas de la feuille. Tante Susie et Oncle John. Ne dit-on pas que la vérité sort de la bouche des enfants ? Et si elle avait fait la plus énorme erreur de sa vie en le laissant s'en aller sans elle… Un bruit la tira alors de ses pensées. Elle tourna la tête vers l'entrée de la chambre et découvrit sa sœur qui se tenait debout, appuyée contre le montant de la porte.

"Chloe, tu es réveillée…" fit Susan d'une voix neutre.

Chloe ne répondit pas, mais elle pénétra dans la pièce et vint s'asseoir à côté d'elle sur le lit.

"John est parti ?"

Susan hocha légèrement la tête tout en détournant les yeux pour fuir le regard inquisiteur de sa sœur.

"Pourquoi, Susie ?"

"Il craignait pour sa place à Chicago…"

"Ce n'est pas de ça que je voulais parler. Pourquoi l'as-tu laissé partir de cette façon ? Pourquoi ne pas être rentrée avec lui ?"

"C'est trop tôt…" répondit-elle en baissant les yeux.

"Ecoute Susie, je ne te serai jamais assez reconnaissante pour tout ce que tu as fait pour moi et ma famille depuis trois semaines, mais je t'interdis de rester ici plus longtemps si cela doit mettre ton bonheur en danger…"

"C'est bien la première fois de ta vie que tu te préoccupes de mon bonheur."

"Tu as peut-être raison, peut-être que je t'ai effectivement toujours gâché la vie. Et si c'est le cas je doute que de dire que je suis désolée y change quoi que ce soit. Mais si je peux t'empêcher de la gâcher toute seule, alors je le ferai."

"Ce n'est pas si simple, Chloe… Tellement de choses ont changé…"

"Qu'est-ce qu'il y a alors ? Qu'est-ce qui a changé ?"

"Tu ne peux pas comprendre…"

"Qu'est-ce qu'on parie ?"

"Chloe, John est un ancien toxicomane…" murmura Susan d'une voix étranglée, comme si ces mots lui brûlaient la gorge. "Je ne le savais pas… il m'a avoué cela l'autre jour…"

"Et alors ? Si c'est un ancien toxicomane, cela veut dire qu'il ne prend plus rien, je me trompe ?"

"Ce n'est pas si simple…" répéta Susan.

"Moi je crois que c'est toi qui rends les choses bien plus compliquées qu'elle ne le sont. De quoi as-tu peur ? Qu'il rechute ?"

Susan détourna la tête pour que Chloe ne remarque pas la fine buée qui se formait sous ses paupières.

"Alors c'est ça" fit Chloe d'une voix plus douce, en passant tendrement un bras autour de ses épaules. "C'est à cause de moi ? Susie, ce qui c'est passé était un accident, je… j'ai cru que c'était réellement terminé, et je n'ai pas été suffisamment vigilante…"

Susan ferma les yeux. John lui avait dit exactement la même chose lorsqu'ils en avaient discuté…

"Mais à présent je sais ce que je risque" reprit Chloe. "Je sais que je dois faire attention, tout le temps, que j'aille bien ou mal. Et je peux te promettre que jamais je ne laisserai une chose pareille se reproduire… C'est vrai que je ne connais pas John, ni les circonstances dans lesquelles il en est arrivé à prendre des drogues, mais il faut que tu lui fasses confiance, tu ne peux pas vivre continuellement dans la peur…"

"Je sais bien" murmura Susan. "C'est juste que c'est difficile… Je ne suis plus sûre de rien, pas même de mes sentiments…"

"Susie, tu sais, j'ai vécu la majeure partie de ma vie avec toi, je te connais par cœur. Je sais ce que tu ressens pour John, même si tu t'acharnes à faire comme si ce n'était pas le cas. Et je sais également que tes sentiments sont réciproques. J'ai bien vu la manière dont il te regardait, dont il posait ses mains sur toi… On avait l'impression que tu étais la personne la plus précieuse au monde… Jamais je n'avais encore vu personne te regarder de cette façon, et c'est cela que tu mérites. Tu n'as pas le droit de laisser un homme pareil sortir ainsi de ta vie… et surtout pas à cause de ton idiote de sœur !"

Susan ne put retenir un léger rire.

"Et bien je préfère ça !" commenta joyeusement Chloe en prenant sa sœur dans ses bras. "Ma Susie, je t'aime tellement. Je ne sais vraiment pas comment nous nous en serions sortis sans toi…"

"Sûrement très mal" fit Susan avec un sourire, tout en la serrant contre elle.

"Oui, très certainement."

Elles s'écartèrent l'une de l'autre, et Chloe passa une main sur la joue de Susan pour en essuyer les larmes.

"Et maintenant tu vas me faire le plaisir de prendre la voiture et de rattraper ton prince charmant avec qu'il ne soit monté dans cet avion pour le Pôle Nord !"

"Chloe…"

"Je t'en prie Susie, ne discute pas, tu sais bien que j'ai raison."

Les deux sœurs échangèrent un long regard et Susan poussa un profond soupir. Elle savait qu'elle devait à présent prendre une décision qui aurait une incidence sur tout le reste de son existence. Soit elle restait ici, seule et malheureuse à se lamenter sur elle-même, soit elle prenait son courage à deux mains et elle suivait les conseils de Chloe. Les deux étaient difficiles, mais une seconde de réflexion lui suffit à prendre sa décision.

"Chloe" murmura-t-elle en se relevant. "Est-ce que je peux emprunter ta voiture ?"

***

Susan entra en courant dans le gigantesque hall de l'aéroport de San Francisco, ses cheveux flottant derrière elle. Elle s'arrêta un instant, juste le temps de reprendre son souffle, et se précipita vers le bureau de renseignements.

"Le vol pour Chicago s'il vous plaît" demanda-t-elle à la jeune fille qui se tenait de l'autre côté du comptoir.

"Vous l'avez manqué madame" répondit-elle après avoir consulté son ordinateur. "Il est parti il y a juste dix minutes."

Devant l'air soudainement dévasté de Susan, la jeune femme crut utile d'ajouter :

"Mais si vous le souhaitez, il y a un autre vol dans trois heures."

"Heu, non, je vous remercie, ce ne sera pas nécessaire…"

Susan tourna les talons, sans plus être réellement consciente de ce qui se passait autour d'elle. Elle était arrivée trop tard, il était déjà parti… Si seulement elle n'avait pas attendu aussi longtemps, si seulement elle était venue plus tôt… Elle ne l'avait manqué que de dix minutes, c'était vraiment trop bête… Elle se laissa tomber sur un siège dans un coin presque désert de la salle d'attente, prenant sa tête entre ses mains. Elle n'avait pas envie de pleurer, elle ne se sentait même pas en colère contre elle-même. Elle ressentait juste le même vide intérieur d'elle-même que quelques heures plus tôt, juste après que John soit parti. Elle ne sut pas exactement combien de temps elle était restée là, mais soudain un frôlement contre son bras la fit sursauter. Elle se redressa brusquement, mais se rendit compte qu'il ne s'agissait apparemment que de son imagination. Elle s'appuya lentement contre le dossier de son siège, laissant sa tête aller en arrière contre le mur derrière elle et ferma les yeux. Lorsqu'elle les rouvrit, elle crut rêver. Agenouillé juste en face d'elle, les mains posées de chaque côtés de ses genoux, John la fixait de son regard tendre et doux. N'en croyant pas ses yeux, Susan porta une main à sa bouche, étouffant un petit cri de surprise, puis se lança en avant et jeta ses bras autour de son cou. Elle le serra violemment contre elle, comme si elle voulait se convaincre qu'il était vraiment là, que ce n'était pas juste un mirage.

"Je croyais que tu étais parti, je croyais que tout était fini" murmura-t-elle, des larmes de joie perlant à ses paupières. Elle se sentait soudain tellement soulagée, tellement rassurée. Tout n'était donc pas terminé, ils auraient droit à une autre chance…

"Je n'ai pas pu monter seul dans cet avion" répondit John en caressant doucement l'arrière de sa tête.

"John, si… si jamais je n'avais pas réussi à te rattraper, je ne me le serais jamais pardonné… Tout cela est tellement stupide, je ne voulais pas que tu t'en aille… pas sans moi…"

"Susan, si tu veux rester ici, tu en as parfaitement le droit, tu es libre. Si tu désirais ne pas repartir et demeurer auprès de ta famille, je comprendrais parfaitement. Je ne veux surtout pas que tu décides de retourner à Chicago en fonction de moi, tu dois vivre là où se trouve ton cœur…"

"Mais mon cœur n'a sa place que là où tu es également. Je ne veux pas vivre loin de toi… J'ai besoin de toi…"

"Alors ça veut dire que tu rentres avec moi ?" demanda-t-il en la prenant par les épaules afin de l'écarter légèrement de lui.

"Tu sais, tu avais raison" fit-elle avec un hochement de tête. "Chloe n'a pas besoin que je veille sur elle, c'est une grande fille et je suis sûre qu'elle s'en sortira… Enfin, je n'en suis pas encore réellement convaincue, mais j'imagine que ça viendra…" ajouta-t-elle, un sourire venant soudain éclairer son visage. "Je sais que je peux avoir confiance en elle… et je sais que je peux avoir confiance en toi… Même si mon attitude de ces derniers jours pouvait laisser croire le contraire…"


      I'd rather walk on glass than see tear drops in your eyes
      And I found the pieces to hold you the best things in my life
      It's just like I get to love you
      You're the one thing that's right
      You're the light in my hell's darkness


"Tu sais, je ne peux pas t'en vouloir, c'est de ma faute… J'aurais vraiment dû t'en parler plus tôt…"

"Oui, c'est vrai. Mais je peux aussi comprendre que tu ne l'aies pas fait… Il y a… Il y a juste des choses dont il est trop difficile de parler… Mais j'aimerais qu'à l'avenir tu saches que tu peux tout me dire… Je t'aime John, et je ne veux pas que ce qu'il nous est arrivé se reproduise…"

"Moi non plus…" Il s'interrompit un instant, comme si son cerveau mettait quelques secondes à assimiler ses paroles, avant de reprendre : "Est-ce que tu peux répéter ce que tu viens de dire ?"

Elle lui adressa un regard surpris, et répondit en bafouillant : "Je… j'ai dit que je ne voulais pas que…"

"Non" l'interrompit-il en secouant la tête. "Ça j'ai compris… c'est ce que tu as dis juste avant… "

Elle plongea ses yeux dans les siens, et se rapprocha de lui de manière à ce que leurs visages ne soient séparé que par quelques centimètres. Elle pouvait sentir l'odeur de son eau de toilette ainsi que le souffle régulier de sa respiration contre sa bouche.

"J'ai dit que je t'aime" murmura-t-elle d'une voix si basse que lui seul pu l'entendre. "Je t'aime tellement…"

Il passa doucement une main derrière sa nuque, attirant ses lèvres sur les siennes. Le baiser qu'ils échangèrent lui procura une sensation qu'elle n'avait pas connue depuis trop longtemps, si bien qu'elle eut l'impression qu'il l'embrassait pour la toute première fois. Un profond sentiment de calme et de bonheur l'envahissait peu à peu, comme si cet unique instant avait suffit à effacer ce qu'ils avaient traversé au court des dernières semaines. Elle ne savait pas exactement si c'était dû à la présence du corps de Carter tout contre le sien ou à la promesse de se réveiller à nouveau à ses côtés le lendemain matin, mais elle sentit d'un seul coup s'envoler à la fois la peur, la souffrance, la tristesse qui avait élu domicile dans son cœur depuis quelques jours. Ils s'écartèrent lentement au bout de quelques minutes, à bout de souffle et incapables de détacher leurs yeux l'un de l'autre. Autour d'eux, le monde semblait avoir disparu pour les laisser seuls, flottant sur une île de bonheur, d'espoir.

"Je t'aime mois aussi" murmura-t-il alors, un sourire emplit de tendresse et d'affection se dessinant sur son visage.


      It's just you and me on my island of hope
      Let me be the calm you seek


***

A suivre...

[chapitre VII] [épilogue]