La Place du Coeur
Chapitre VI


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Auteur:   Aline

Droits divers:   Toujours la même chose, les personnages d'Urgences ne sont pas à moi, ils ont été créés par le grand maître Michael Crichton et lui appartiennent, etc. Par contre, tous les autres personnages (Elena, les médecins de San Francisco) ont été inventés par moi.

***

Un nouveau jour se levait, un jour gris et pluvieux. Un épais brouillard était tombé sur la ville durant la nuit et enveloppait à présent les rues encore endormies d'un duvet grisâtre et cotonneux. Assise en tailleur dans son lit, Susan écoutait patiemment tomber la pluie tout en attendant que John ouvre les yeux à son tour. Il devait être un peu plus de six heures du matin et d'ici peu elle pourrait entendre les pas de Joe dans le couloir, puis la petite voix ensommeillée de Susie qui se préparerait pour aller à l'école, et enfin Elena qui viendrait la chercher avant que Joe lui-même ne s'en aille soit pour le travail, soit pour l'hôpital. Mais pour l'instant, la maison était encore totalement silencieuse. Elle n'avait aucune envie de se lever, mais ne souhaitais pas non plus se rendormir. Elle préférait rester ainsi à écouter tranquillement le silence. John et elle étaient à présent là depuis plus de deux semaines, et elle avait parfois l'impression que cela faisait une éternité. L'état de Chloe semblait s'améliorer de jour en jour, et les médecins qui la suivaient se montraient très satisfaits d'elle. Toutefois, Susan ne pouvait s'empêcher de rester sceptique. Elle ne savait plus comment elle pourrait à nouveau faire confiance à sa sœur, elle avait été tellement fière d'elle, tellement confiante la dernière fois… Et elle se sentait aujourd'hui tellement déçue et découragée. Elle ignorait ce qu'elle pouvait encore faire pour elle, elle avait l'impression d'avoir déjà tout donné, et elle ne savait plus comment se comporter face à elle. Elle s'efforçait de ne pas se montrer défaitiste afin de ne pas risquer de freiner son rétablissement, mais elle ne parvenait pas non plus à faire semblant d'être enthousiaste comme les autres. Alors elle restait généralement silencieuse, elle écoutait sa sœur discuter avec Joe, avec Carter, mais restait en dehors de ces conversations, gardant pour elle les remarques qu'elle aurait parfois voulu faire. Et tout cela, elle le supportait de plus en plus mal. Elle aurait voulu pouvoir prendre Chloe dans ses bras, la serrer contre elle, lui dire qu'elle l'aimait et qu'elle savait qu'elle s'en sortirait. Elle en était incapable. Elle aurait voulu lui crier sa colère et la souffrance que cette situation lui faisait ressentir. Mais cela aussi, elle en était incapable…

"Tu es réveillée depuis longtemps ?"

La voix de John à côté d'elle la tira de ses pensées. Elle tourna la tête et lui adressa un faible sourire.

"Je ne sais pas, une demi-heure, peut-être plus…"

Elle se pencha au-dessus de lui et l'embrassa tendrement. Il passa alors un bras autour de sa taille et l'attira contre lui. Elle se laissa glisser à ses côtés, se blottit dans ses bras et ferma les yeux quelques instants, tandis que la main de John passait doucement dans ses cheveux. Ils demeurèrent longtemps sans bouger ni parler, le seul bruit de leur respiration accompagnant l'étreinte qui les unissait. Ils entendirent Joe descendre du premier étage, sentirent l'odeur du café se répandre lentement dans la maison, puis se fut au tour de Susie de se lever avant de partir pour l'école. Mais autour d'eux, le temps semblait avoir provisoirement suspendu sa course effrénée afin qu'ils puissent profiter de ces quelques instants qui leur étaient offerts et qui n'appartenaient qu'à eux. Ils auraient sans doute pu rester ainsi éternellement, mais ce furent finalement des coups frappés à la porte de la chambre qui les ramenèrent de force dans la réalité.

"Ne bouge pas" murmura John en se levant, après avoir déposé un baiser sur le front de Susan.

"Je voulais juste savoir si vous dormiez encore et si vous m'accompagniez à l'hôpital" dit Joe sur un ton d'excuse lorsque Carter ouvrit la porte.

Celui-ci se tourna vers Susan qui hocha légèrement la tête.

"Nous venons" répondit John tandis que Susan se redressait lentement. "Laissez-nous juste le temps de nous habiller et d'avaler quelque chose."

"Bien sûr, si jamais je serai dans le garage."

Joe tourna les talons et John referma la porte derrière lui avant de se retourner vers Susan. Il n'y avait pas vraiment prêté garde auparavant, et il remarqua soudain qu'elle avait l'air à bout de forces; elle avait une mine affreuse, et il se rendit compte qu'il commençait sérieusement à se faire du soucis pour elle. Susan était de loin une des personnes les plus généreuses qui lui ait jamais été donné de rencontrer, elle aurait sacrifié n'importe quoi pour le bonheur de ceux qu'elle aimait. Mais cette fois-ci, c'était elle-même qu'elle sacrifiait, et il craignait que cela ne finisse par la détruire.

"Tu es sûre que tu veux y aller ?" demanda-t-il doucement en se rasseyant auprès d'elle et en prenant sa main dans la sienne.

"John, c'est ma sœur, il faut que j'y aille…" murmura-t-elle, mais son ton était loin d'être convaincu.

"C'est toi qui sait, mais je veux que tu sois sûre que tu peux le supporter…"

"Je t'assure que ça ira " répondit-elle en esquissant un sourire.

Mais elle n'avait jamais su mentir, et Carter savait qu'elle n'en pensait pas un mot.

***

"J'aime autant vous prévenir, elle a passé une mauvaise nuit et est d'une humeur massacrante" les avertit une jeune infirmière qui quittait la chambre de Chloe au moment où il y entrait.

"Super" grommela Susan si bas que seul John qui se trouvait juste à côté d'elle l'entendit.

Joe poussa la porte et Chloe se retourna en les entendant entrer. Elle se tenait debout près de la fenêtre, et l'expression nerveuse de son visage ne se détendit guère lorsqu'elle reconnut son mari.

"C'est toi…" marmonna-t-elle.

"Bonjour ma chérie" fit Joe d'une voix douce en s'approchant d'elle. "Comment est-ce que tu te sens ?"

"Comme un animal en cage. Salut, Susie. John…"

"Salut" répondit Carter alors que Susan se contentait d'esquisser un sourire mal assuré.

"Je t'ai apporté quelques vêtements de rechange…" fit Joe tandis qu'elle s'asseyait sur le bord de son lit. "Je me suis dit que tu pourrais en avoir besoin…"

"C'est gentil…" grommela-t-elle en levant à peine la tête vers lui.

"Que dit le Dr Newman ?" continua-t-il en s'efforçant de na pas prêter garde à l'agressivité qui transparaissait dans la voix de son épouse.

"Oh, plein de belles choses, que je vais mieux, qu'il ne pense pas que j'ai des risques élevés de rechuter, mais qu'il vaut mieux que je reste encore un peu ici, 'par précaution'. Tu parles, si au moins on me demandait mon avis !"

Un silence gêné s'abattit sur la pièce, et ce fut finalement Susan qui le brisa après quelques instants, d'une voix qui se voulait amicale.

"C'est qu'il estime que c'est mieux pour toi, Chloe. Les médecins qui s'occupent de toi sont des professionnels, ils savent ce qu'il convient de faire dans ce genre de cas, et ils veulent ton bien."

"Oh oui bien sûr, entre médecins on est toujours du même avis non ?" rétorqua Chloe d'un ton tranchant. "Et vous, Docteur Lewis, que pensez-vous de mon 'cas' ?"

"Je pense qu'ils ont raison" répliqua Susan, sentant son calme et sa patience la quitter. "Je pense que le fait de rester encore un peu ici ne peut que t'aider à te rétablir et que par conséquent c'est sans doute la meilleure chose à faire."

"Moi je sais ce qui te ferait plaisir, Susie. Ce que tu voudrais c'est qu'on me fasse interner dans un asile ou je ne sais pas où, du moment que tu pourrais te débarrasser de moi et prouver à tout le monde que tu avais raison et que je suis incapable de me prendre en charge !"

"Chloe !" s'exclama Joe, sans toutefois parvenir à l'interrompre.

"C'est toujours ce que tu as voulu de toute manière ! Déjà quand on était gosses, tu trouvais toujours le moyen de me dénoncer aux parents à chaque fois que je fumais un foutu pétard !"

"J'avais 15 ans et toi tu te droguais, comment j'aurais dû réagir ? J'étais terrorisée !"

"Toi la… la merveilleuse, la parfaite petite Susie qui a toujours tout fait pour prouver à quel point tu étais supérieure à tout le monde, particulièrement à moi ! Tu prétendais même être une meilleure mère que moi si je me rappelle bien !"

"Mais tu as abandonné ta fille !"

"Ma fille ! Ma fille ! Et toi tu ne voulais même pas que je puisse m'en occuper ! Si je t'avais laissé faire, je ne l'aurais sans doute jamais revue ! Alors aujourd'hui c'est bien facile pour toi de venir ici ! Qu'est-ce que tu veux, prouver au monde que je suis une irresponsable, que je ne sait pas prendre soin de ma famille et que Susie aurait été bien plus heureuse si elle était restée avec toi ? Oh, peut-être que tu veux en profiter pour la ramener là-bas avec toi aussi ?"

"Chloe, ce n'est pas juste ! Si je suis venue jusqu'ici c'est pour toi, et tu ne m'as même encore jamais dit merci !"

"Merci pour quoi ?" siffla Chloe. "Merci d'être partie, de nous avoir laissés ? Tout ça, c'est de ta faute Susie, de ta faute !"

Susan eut l'impression qu'on venait de lui enfoncer un poignard dans l'abdomen et en resta sans voix. Comment sa sœur pouvait-elle donc se montrer aussi cruelle, après tout ce qu'elle s'efforçait de faire pour elle ?

"Cette fois ça suffit !" s'exclama John, perdant d'un seul coup son sang froid. "Vous avez vraiment dépassé les bornes ! Rien ne forçait Susan à venir ici pour revivre tout ça. Mais elle est venue quand même, parce que vous êtes sa sœur et qu'elle vous aime malgré le mal que vous avez pu lui faire, et que vous continuez à lui faire ! On s'en va."

Il prit Susan par les épaules et l'entraîna hors de la chambre. La jeune femme se laissa faire, incapable de parler, les yeux brûlants de larmes. Ils entendirent juste Joe dire à Chloe que John avait raison, qu'elle était sérieusement allée trop loin, mais ne comprirent même pas ce qu'elle lui répondit. Ils ne ralentirent le pas que lorsqu'ils eurent rejoint la voiture. Susan s'enfonça dans son siège, encore trop choquée par les paroles de Chloe pour être capable de prononcer le moindre mot. Ils attendirent quelques minutes en silence jusqu'à ce que Joe émerge à son tour du bâtiment, le teinte livide et l'air en colère.

"Allez-y sans moi" leur dit-il en s'approchant du véhicule. "Il vaut sans doute mieux que je reste un peu… Susan je… je suis désolé. Jamais elle n'aurait dû dire des choses pareilles…"

La jeune femme ferma les yeux et hocha légèrement la tête. Il lui adressa un petit sourire, puis repartit en direction de l'hôpital tandis que John mettait le contact et démarrait.

***

"Est-ce que tu veux boire quelque chose ?"

Susan secoua faiblement la tête. Assise sur le canapé, elle se sentait soudain totalement épuisée, comme si on avait vidé d'elle toute énergie. John vint s'installer à côté d'elle et l'attira contre lui tandis qu'elle ramenait ses jambes contre sa poitrine. Elle appuya sa tête sur son épaule, et sentit à nouveau les larmes qui ne demandaient qu'à s'échapper de ses paupières brûlantes. Ne pas pleurer, se dit-elle. Ne surtout pas pleurer…

"John" murmura-t-elle d'une voix tremblante en relevant légèrement la tête. "Comment a-t-elle pu dire ça… Comment ? Pourquoi ? Est-ce que tu crois que c'est ce qu'elle pense, que tout est de ma faute ?"

"Bien sûr que non, qu'elle ne le pense pas" répondit Carter en passant une main dans ses cheveux.

"Alors pourquoi ?"

"Elle n'est pas dans son état normal… elle va mal, et elle s'en veut pour ce qui s'est passé… Ca doit être très pénible pour elle d'admettre qu'elle est l'unique responsable de ce qui lui arrive, c'est sans doute bien plus facile de rejeter la faute sur quelque chose ou quelqu'un d'autre, ça lui permet de déculpabiliser…"

"Elle déculpabilise en me faisant culpabiliser moi ? C'est trop simple, elle n'a pas le droit !"

Elle s'interrompit un court instant, fermant les yeux pour retenir les larmes qui les embuaient et lui brouillait la vue.

"C'est tellement injuste, John… J'ai beau faire tout mon possible pour être là pour elle, je me sens tellement impuissante, tellement inutile… Tellement coupable… Je ne sais plus comment je dois lui parler, comment je dois la regarder… La dernière fois que je l'ai vue dans un état pareil… Je n'ose même pas y songer… John comment est-ce que je suis censée faire face à tout ça ?"

"Je ne sais pas…" répondit John en la prenant à nouveau dans ses bras… "Je ne sais pas… j'imagine qu'il n'y a malheureusement pas de réponse toute faite à cette question…"

"Je n'avais pas quinze ans quand elle a commencé à se droguer…" murmura Susan après quelques secondes de silence. "J'ai mis beaucoup de temps à me rendre compte de ce qu'il se passait… Enfin, je voyais bien que quelque chose n'allait pas, mais j'ignorais quoi… et surtout j'ignorais à quel point c'était grave…"

La jeune femme prit une profonde inspiration et se rejeta en arrière dans le canapé. Jamais elle n'avait parlé de cela avec qui que ce soit, pas même avec Mark à l'époque où ils étaient inséparables. Elle avait toujours conservé pour elle seule les souvenirs de ces obscures années qu'avaient été celles de son adolescence, partagée entre les problèmes de Chloe et les siens à qui personne ne prêtait jamais la moindre attention. Mais pour la première fois depuis tout ce temps elle ressentit ce soir-là le besoin de se confier, comme pour rejeter hors d'elle le poison qui s'était infiltré dans ses veines des années auparavant et dont les paroles de Chloe avaient ravivé les propriétés mortelles. Elle avait l'impression que si elle ne se débarrassait pas de tout cela, elle finirait par ne plus pouvoir le supporter, par devenir folle. Et elle savait qu'elle pouvait parler à John en toute tranquillité. Ce n'était pas son genre de juger les autres, et elle avait une confiance presque aveugle en lui.

"Elle n'avait que trois ans de plus que moi, mais c'est en quelque sorte elle qui m'a élevée" continua-t-elle. "Ma mère était toujours bien trop occupée pour s'intéresser à ce que nous faisions, et mon père ne savait pas comment s'y prendre avec nous, il était toujours totalement à côté de la plaque… La première fois que je l'ai surprise en train de fumer, je n'ai même pas fait attention, je pensais qu'il s'agissait d'une simple cigarette… et la fois suivante c'était une seringue qu'elle avait dans la main… Ce jour-là, c'est comme si tout ce qui avait vraiment de l'importance à mes yeux, tout ce en quoi je croyais et en quoi j'avais confiance s'était écroulé… Nous n'avons plus jamais eu la même relation après cela…"

Susan s'interrompis un instant pour prendre son souffle. Parler et se sentir écoutée lui faisait du bien, mais ramener à la surface toutes ces images qu'elle aurait souhaité ne jamais avoir à ré-affronter était également incroyablement douloureux. Carter quant-à-lui ne disait pas un mot, se contentant de la fixer de ses yeux bruns et brillants, une main tenant délicatement la sienne, posée sur ses genoux.

"Je lui en ai terriblement voulu pendant longtemps… Je la tenais pour responsable de tout ce qui n'allait pas dans ma vie, je lui reprochais d'avoir tout fichu en l'air… Quoi précisément je n'en sais rien… Mais j'allais mal et personne ne le voyait, tout le monde avait les yeux tournés vers elle, quoi qu'elle en dise…"

John serra sa main plus fort dans la sienne, et elle leva vers lui un regard embué de larmes.

"Je me rends compte aujourd'hui que j'ai toujours considéré qu'elle avait gâché les plus belles années de ma vie… et que je ne le lui ai sans doute jamais entièrement pardonné… peut-être que c'est pour cela que je suis tellement persuadée qu'elle ne s'en sortira pas… J'aimerais pouvoir le croire, tu sais… Il y a juste que… c'est tellement difficile…"

Elle baissa les yeux, et Carter se rapprocha d'elle, passant un bras protecteur autour de ses épaules tremblantes.

"Susan" fit-il avec douceur, prenant la parole pour la première fois. "Je sais ce que tu peux ressentir, et je sais à quel point ça peut être dur… mais ce qu'il faut avant tout c'est que tu fasses la paix avec ton passé, que tu essaies de tourner la page. Tu ne peux pas laisser tout cela te ronger indéfiniment, ça finira par te détruire… Et puis il est aussi important que tu tentes de retrouver confiance en Chloe… sans cela jamais les choses ne pourront vraiment aller entre vous…"

"Mais comment pourrais-je avoir à nouveau confiance… ?"

"Ce qu'il s'est passé, elle ne le désirait pas. Elle a tenu longtemps sans rien prendre, et elle a pensé qu'il n'y avait pas de raison que ça recommence… Elle n'a peut-être pas été suffisamment vigilante, elle a baissé sa garde et elle ne s'est pas rendu compte de ce qu'elle risquait…ça peut arriver, tu sais. Un ancien toxicomane n'est jamais à l'abris de ce genre de chose, personne ne l'est en réalité. Mais je suis persuadé qu'à l'avenir Chloe saura se montrer plus prudente, qu'elle saura éviter que cela se reproduise. Il faut le croire, Susan. Tu ne peux pas vivre avec la peur constante que ta sœur ne replonge à nouveau, il faut que tu trouves au fond de toi le moyen de retrouver confiance en elle…"

"Au fond de moi, je sais que tu dois avoir raison… mais en même temps ça me dépasse totalement… Je veux dire, elle a tout de même failli mourir, comment tout le monde peut-il être tellement sûr qu'elle ira bien ?"

"Il n'y a jamais rien de sûr, mais il faut garder l'espoir… c'est l'unique moyen de faire face à ce genre de situation…"

Susan soupira profondément et ferma les yeux. Il y avait quelque chose d'incroyablement rassurant chez John, quelque chose qui parvenait toujours à l'aider à se sentir mieux. Peut-être était-ce sa façon de dire les choses, toujours avec tellement de douceur, ou peut-être parce que, pour l'une des premières fois de sa vie, elle avait l'impression d'être réellement écoutée et comprise.

"La seule chose qui soit sûre en fait" repris Carter dans un murmure, "c'est que quoi qu'il arrive Chloe aura besoin du soutien de sa famille, de ses amis pour s'en sortir. Je suis passé par là, et sans mes amis…"

D'un seul coup, le petit nuage sur lequel Susan s'était hissée céda sous elle et elle retomba violemment sur le sol. Elle se releva brusquement, fixant John de ses yeux encore humides et gonflés par les larmes, et lorsqu'il vit l'air à la fois perdu et horrifié qu'affichait son visage, il comprit qu'il venait d'en dire davantage qu'il n'aurait dû. Il ne lui avait encore jamais parlé de sa dépendance - uniquement de son agression - et le moment était sans doute le plus mal choisi…

"Qu'est-ce… qu'est-ce que tu veux dire par 'je suis passé par là' ?" demanda-t-elle dans un souffle.

Il baissa les yeux, n'osant plus la regarder de crainte de ne rencontrer son regard interrogateur. Il savait qu'il aurait dû lui en avoir parlé depuis longtemps, mais il n'en avait jamais trouvé le courage. Parler de son agression avait déjà été difficile, alors ça… Mais à présent, qu'allait-elle penser ? Comment pourrait-elle comprendre qu'il ne lui ait jamais rien dit alors qu'ils sortaient ensemble depuis près de cinq mois ? Si seulement il avait pu rembobiner la bande et en effacer ces paroles… Mais lorsqu'il releva lentement la tête vers elle et croisa son regard, il compris que c'était impossible, et qu'il n'avait à présent plus d'autre choix que de tout lui expliquer…

***

A suivre...

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