La Place du Coeur
Chapitre II


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Auteur:   Aline

Droits divers:   Toujours la même chose, les personnages d'Urgences ne sont pas à moi, ils ont été créés par le grand maître Michael Crichton et lui appartiennent, etc. Par contre, tous les autres personnages (Elena, les médecins de San Francisco) ont été inventés par moi.
Les chansons utilisées dans ce chapitre sont Killin' Kind, interprétée par Shelby Lynn et I Love You, par Sarah McLachlan

Note:   Ce chapitre fait toujours un peu office d'intro, pour l'instant on dira qu'on pose un peu le décor ;O) Mais c'est promis, dès le chapitre prochain l'histoire démarre réellement ;O))

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Avril 2002 - L'horloge de la salle de repos du service des urgences du Cook County Hospital indiquait qu'il était passé vingt heures, et Susan venait de terminer sa garde avec plus d'une heure de retard. Il y avait toujours des jours qui se passaient mieux que d'autres, mais celui-là n'en faisait certainement pas partie. Durant les douze dernière heures, elle avait vu mourir une famille entière, victime d'un terrible accident de la circulation causé par une femme qui avait présenté lors des examens un taux d'alcoolémie alarmant. De toute la journée, elle n'avait pu se débarrasser de l'image de la plus jeune des enfants, âgée de six ans à peine, réclamant désespérément sa maman que l'ont tentait, en vain, de ramener à la vie dans la salle d'à côté. Et elle n'oublierait sans doute jamais le regard terrorisé qu'elle lui avait lancé lorsqu'on avait été obligé de l'intuber. Elle avait alors prit sa petite main tremblante dans la sienne pour tenter de la rassurer, mais son cœur avait cessé de battre quelques minutes plus tard. Depuis des années, elle avait appris à ne pas s'attacher aux patients, à ne pas laisser leurs visages la hanter lorsqu'elle quittait l'hôpital. Sans quoi la vie ne serait pas supportable, comment continuer de dormir si on ne sait pas faire le vide dans son esprit en rentrant chez soi ? Au début, c'est toujours difficile, puis par la suite on apprend à se détacher de ce à quoi l'on assiste chaque jour, même si on ne s'y habitue jamais. Mais dans ce cas particulier, Susan savait que les petits yeux emplis de peur de cette pauvre petite fille la hanteraient longtemps. Peut-être parce qu'elle lui rappelait tellement sa jeune nièce, Susie, qui avait le même âge qu'elle. Et comme si tout cela n'était pas déjà suffisamment injuste, la femme qui était à l'origine de ce drame s'en était sortie sans la moindre blessure, juste quelques égratignures. Susan soupira profondément en se débarrassant de sa blouse qu'elle laissa dans son casier avant d'enfiler sa veste et de quitter la salle de repos. Elle traversa rapidement le hall d'entrée des urgences sans même répondre à Randi qui lui souhaitait une bonne soirée, et se retrouva dehors devant l'hôpital, dans l'air frais de cette soirée d'avril. Elle ferma les yeux un instant, les images de la fillette revenant sans cesse à sa mémoire, se mélangeant à celles de Susie. Même si elle était très contente d'être de retour à Chicago, sa nièce lui manquait parfois cruellement, comme en ce moment précis. Elle n'avait pas revu sa famille depuis qu'elle avait déménagé, elle aurait dû aller les rejoindre pour Noël mais n'avait pas réussi à obtenir un congé. Et elle était bien obligée de reconnaître qu'après avoir vécu pendant cinq ans dans l'appartement à côté du leur, elle se sentait parfois un peu seule. Elle leva les yeux et admira pensivement le ciel pendant quelques minutes. La nuit était déjà bien installée, et les étoiles semblaient s'allumer une à une au-dessus de la ville. Lorsqu'elles étaient enfants, Chloe et elle faisaient souvent du camping dans le jardin quand la température le leur permettait. Elles pouvaient alors passer des heures à contempler le ciel, et sa sœur lui avait même appris le nom des constellations. Elle ne devait guère être plus âgée que la petite Susie à cette époque, mais elle s'en souvenait comme si c'eut été le jour précédent. Jusqu'à l'adolescence, Chloe avait toujours été une grande sœur exemplaire, c'était après que tout avait mal tourné.

"Allô, ici la Terre, me recevez-vous ?" fit une voix à côté d'elle, la tirant de ses pensées. "Ne me dis pas que tu as travaillé jusqu'à maintenant" continua Carter en passant un bras autour de ses épaules.

Susan ne répondit rien, elle se contenta de se blottir en silence dans les bras de John.

"Eh, qu'est-ce qu'il t'arrive ?"

"Rien" soupira-t-elle, "je suis fatiguée, est-ce qu'on peut rentrer ?"

"Bien sûr" murmura-t-il en prenant sa main dans la sienne. Ses doigts étaient glacés, et il les serra entre les siens dans le but de la réchauffer.

"Longue journée ?" demanda-t-il quelques instants plus tard tandis qu'il manœuvrait pour quitter le parking de l'hôpital. Susan répondit d'un hochement de tête. Elle n'avait pas vraiment envie d'en parler. Carter n'insista pas davantage, respectant son silence, et enclencha l'autoradio. Aussitôt, une mélodie pas vraiment gaie envahit le véhicule.


      I didn't mean to hurt your feelings
      It was so careless of me
      I guess I've gone and done it
      It's just a matter of time
      Nothing I can do but tell you I'm sorry
      And that's the hardest part of all
      'Cause your love is the killin' kind



Susan tourna brusquement le bouton, arrêtant la musique. Elle n'avait vraiment pas encore besoin de ce genre de chanson déprimante à souhait, elle se sentait suffisamment démoralisée comme ça. John jeta un bref coup d'œil dans sa direction, mais demeura silencieux. Il savait très bien que dans ces moments-là, elle préférait qu'on la laisse tranquille.

Le trajet entre l'hôpital et le petit appartement de Susan ne durait en général qu'une quinzaine de minutes, mais ce soir-là il leur fallu le double de temps en raison des embouteillages qui encombraient la route. John s'était installé officiellement chez Susan depuis deux mois environ, même s'il avait passé la plus grande partie de son temps libre là-bas depuis le début de leur relation. Ils leur aurait en effet été beaucoup plus difficile de se retrouver chez lui, qui vivait toujours dans le gigantesque manoir de sa grand-mère qui était presque constamment rempli de monde, même lorsque seuls les employés de maison s'y trouvaient. Et puis, Carter appréciait l'aspect douillet et confortable de ce petit appartement situé à deux pas de la rivière au bord de laquelle ils aimaient tellement aller se promener. Susan ne prononça pas un mot durant cette demi-heure, mais Carter ne s'inquiétait pas. Il la connaissait bien, il savait que si quelque chose la tracassait, elle finirait par lui en parler et tout irait ensuite beaucoup mieux. Une fois arrivé chez eux, la jeune femme se rendit directement dans le living room tandis que John se dirigea vers la cuisine où il lui prépara une tasse de lait chaud dans laquelle il fit fondre une cuillère de miel. Lorsqu'il rejoignit Susan dans le salon, elle était à demi étendue sur le canapé, la tête appuyée contre l'accoudoir. Il déposa la tasse fumante sur la table devant elle, et elle leva légèrement la tête pour le remercier d'un sourire, le premier de la soirée.

"Tu es un amour" soupira-t-elle en se relevant lentement afin de s'emparer de sa tasse.

Il s'assit à côté d'elle et l'attira contre lui. "Tu en doutais encore ?"

"Bien sûr que non, ceci ne fait que confirmer ce que je savais déjà" murmura-t-elle en déposant un léger baiser sur ses lèvres.

Elle avala ensuite une gorgée qui lui brûla la langue et reposa la tasse sur la table avant de s'étendre à nouveau, déposant sa tête sur ses genoux. Elle le sentit jouer doucement avec ses cheveux, et elle ferma les yeux en soupirant profondément. Pour la première fois de la journée, elle se sentait un peu mieux, et cela, elle le devait à John. Cela ferait cinq mois deux semaines plus tard qu'ils étaient ensemble, et jamais de sa vie elle n'avait été aussi heureuse. Il représentait tout ce qu'elle avait toujours en vain cherché chez un homme ; il était doux, attentionné, se montrait toujours patient à son égard. Chacun des regards qu'il posait sur elle était rempli de tendresse, et lorsqu'ils faisaient l'amour elle avait à chaque fois l'impression que quelque chose de magique se créait entre eux, quelque chose de tellement fort et de tellement beau. Et dans des moments comme ceux-ci où elle avait le moral proche de zéro, sa seule présence suffisait à la faire se sentir mieux.

"Je viens d'avoir une idée" fit alors Carter, sans cesser de jouer avec ses cheveux.

"Je t'écoute."

"Qu'est-ce que tu dirais qu'on se prenne un long week end de vacances et qu'on parte quelque part, juste tous les deux ?"

La jeune femme tourna légèrement la tête. Elle avait parfois l'étrange impression que John lisait dans ses pensées. Voilà ce qu'il lui fallait, être seule avec l'homme qu'elle aimait et surtout ne plus penser au travail pendant quelques jours.

"C'est de loin la phrase la plus sensée et intéressante que j'aie entendu de la journée" soupira-t-elle en s'efforçant de sourire à nouveau.

"A ce point-là ?"

Susan se releva lentement et appuya doucement sa tête contre l'épaule de John, qui passa un bras autour d'elle. Elle se blottit contre lui, enfouissant son visage dans l'étoffe de sa chemise, respirant son parfum et laissant son corps se détendre. Puis elle lui raconta le choc qu'avait provoqué chez elle la mort de cette petite fille et ce soudain besoin qu'elle avait ressentit de revoir Susie.

"Tu pourrais déjà commencer par lui téléphoner" suggéra John lorsqu'elle eut terminé, et ensuite on pourrait toujours convaincre Chloe de laisser venir la petite lors de ses prochaines vacances.

"Jamais Chloe ne laissera Susie prendre l'avion toute seule, et je ne voudrais pour rien au monde qu'elle ne le fasse… J'aurais tellement aimé pouvoir aller leur rendre visite pour Noël…"

"C'est bientôt son anniversaire non ?"

"Oui pourquoi ?"

"Et bien, si nous laissons tomber notre petit week end, nous pourrions toujours convaincre Kerry de nous donner à tous deux une semaine de congé et rendre à ta nièce une visite surprise."

"Nous ?" fit remarquer Susan avec un petit sourire. La perspective d'aller voir Susie pour son anniversaire avait terminé de lui redonner le moral, surtout si elle était accompagnée par John. "Tu viendrais avec moi ?"


      I have a smile stretched from hear to hear
      To see you walking down the road
      We meet at the lights, I stare for a while
      The world around us disappears



"Bien sûr, moi non plus je ne te laisserai jamais prendre l'avion toute seule" murmura-t-il avant de se pencher sur elle pour l'embrasser. Ils échangèrent un long baiser, mais la sonnerie du téléphone vint bientôt interrompre leur étreinte.

"Ne bouge pas, j'y vais" fit Carter en se relevant. Il se dirigea vers le couloir où se trouvait le téléphone, et Susan l'entendit décrocher et répondre.

"Bien sûr, je vous la passe, un instant s'il vous plaît…"


***

A suivre...

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