N'oublie Jamais...
Chapitre III
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Auteur: Aline
Date de création: Mai - septembre 2001
Droits divers: Les personnages ne m'appartiennent toujours
pas (ben non, ça n'a pas changé depuis la dernière fanfic ;O)) ils sont donc
toujours la propriété de Michael Crichton et de tous les autres… Les paroles
citées sont extraites de la chanson Full Of Grace interprétée par
Sarah McLachlan et disponible sur l'album Surfacing.
Personnages: SL / JC / MG
Note de l'auteur: Bon, là c'est le début des choses sérieuses,
Susan reprend le travail au County, et va donc revoir Mark... Je ne vous cache
pas que j'ai tout particulièrement aimé écrire ce chapitre, même s'il est un
peu triste...
*Le texte est la propriété de l'auteur
***
Il y a des jours que l'on entoure de noir sur son calendrier. D'autres où,
lorsqu'on arrive enfin à la fin de la journée, on se dit qu'on aurait sans
doute mieux fait de rester au lit. Ce jour-là en faisait certainement partie.
Oh, il n'avait pas vraiment mal commencé. Bien qu'il n'était pas de garde,
Carter avait tenu à m'accompagner au County. Peter avait été surpris de me
revoir, et moi surprise de voir à quel point il avait changé - en bien. Il n'était
plus cet homme parfois dur et obsédé par son travail avec qui j'avais travaillé
des années auparavant. Il semblait plus sensible, d'après Carter la naissance
de son fils l'avait métamorphosé.
Je fis également la connaissance de ceux que je ne connaissais pas déjà,
Dave, Abby, Cleo,… autant de prénoms dont j'étais certaine de ne plus me
souvenir le soir-même. Je n'avais alors pas encore vu Mark, et on m'apprit
qu'il n'était de service qu'à partir de dix heures. J'attendais avec
impatience le moment où je le reverrais, je fus déçue. Sachant qu'il était
marié, et comptant sur l'effet de surprise, je ne m'attendais certes pas à de
grandes démonstrations d'affection de sa part, mais pas non plus à la froideur
dont il fit preuve.
J'étais assise dans la salle de repos, discutant avec l'un ou l'autre de mes
nouveaux collègues, je ne me rappelle même plus qui. Je tournais le dos à la
porte quand soudain elle s'est ouverte, et j'ai reconnu sa voix. Je crois
d'ailleurs que je l'aurais reconnue entre mille. Il discutait avec une femme,
certainement son épouse à en juger par son accent britannique. Je ne savais
pas vraiment ce que j'allais faire, ce que j'allais dire, mais je me retournai néanmoins.
J'ignore si ce fut de la surprise que je lus sur son visage, ou du moins quelque
chose s'y apparentant. Il cessa de parler et me fixa pendant plusieurs secondes
qui me semblèrent durer une éternité.
" Salut " lâcha-t-il finalement.
Je ne trouvai rien d'autre à répondre qu'un "salut" identique au
sien, ma voix tremblante sous l'effet de l'émotion.
" Je ne savais pas que tu prenais le poste, Kerry aurait dû m'en parler.
" Juste ça, pas un mot sympathique, pas de "Bienvenue Susan, je suis
content de te revoir"… Juste cette phrase froide, qu'il avait lâchée
sans que son visage ne traduise aucune expression, que ce soit de joie ou de colère.
" Je lui avais demandé de ne rien dire… " murmurai-je, me forçant
à retenir mes larmes.
" Oh, dans ce cas… " Il se dirigea vers son casier, en sorti sa
blouse et l'enfila. Je sentis le regard interrogateur de la nouvelle madame
Greene posé sur moi, je levai légèrement la tête et lui adressai un petit
sourire. Mark la rejoignit et passa son bras autour de sa taille.
" J'ai du travail " fit-il à mon intention. " On se verra peut-être
plus tard. "
Je me contentai de hocher la tête, incapable de faire un geste, de prononcer un
mot. Tandis que Mark franchissait cette maudite porte, j'eus l'impression que
mon cœur éclatait en un million de morceaux. Il avait toujours été un modèle
pour moi, le type même de l'ami fidèle et attentionné. Chaque fois que
j'avais eu besoin de lui, il avait été là et j'avais toujours su que je
pouvais compter sur lui, bien davantage que sur la plupart des membres de ma
propre famille. En revenant ici, j'étais déterminée à retrouver l'amitié
qui avait existé entre nous, quitte à tout reconstruire si cela s'avérait nécessaire.
Mais avec sa réaction ce jour-là, je n'étais plus sûre de rien. Et surtout
je n'arrivais à m'expliquer pourquoi il avait agit de la sorte.
Tout le reste de la journée, je tentai de lui parler, en vain. A chaque fois
que je le croisais, il faisait comme si je n'étais pas là, détournant le
regard et accélérant le pas. En fait, j'avais l'impression qu'il m'en voulait
pour une raison obscure que je ne connaissais pas. Me reprochait-il de ne pas
l'avoir prévenu de mon retour ? Ou tout simplement d'être revenue ? Je
l'ignorais, et aurais sérieusement préféré qu'il me dise ouvertement ce qui
n'allait pas.
Peu avant que je ne termine ma garde, Kerry Weaver vint me voir pour savoir
comment s'était déroulé mon premier jour. J'avais vu plusieurs patients dont
la plupart se portaient déjà mieux et n'avais tué personne - même si le Dr
Romano aurait certainement été un candidat parfait au meurtre. Sur le plan
professionnel, je pouvais donc dire que tout s'était passé pour le mieux.
" Mark n'est pas allé très bien, ces derniers temps… " fit-elle
d'un ton doux et amical que je ne lui connaissais pas, me donnant une fois de
plus l'impression qu'on lisait dans mes pensées.
" Je sais, Carter m'en a parlé… "
" Oh, vous avez vu Carter ? "
" Il a proposé de m'héberger en attendant que mon appartement soit prêt.
"
" Bien, très bien. Susan, il faut que vous laissiez à Mark le temps de
s'habituer au fait que vous soyez à nouveau parmi nous. Je sais combien vous étiez
proches avant votre départ, votre retour est un choc auquel il ne s'attendait
certainement pas. "
" Je sais, Kerry… Je comprends… " Je mentais. Je ne comprenais
pas, et ne souhaitais pas comprendre. Le comportement de Mark tout au long de la
journée m'avait blessée, et à présent, c'était moi qui lui en voulais.
J'adressai un léger sourire à Kerry, puis rassemblai mes affaires, déposai ma
blouse dans mon casier et quittai l'hôpital dans l'air glacé du jour qui se
terminait.
***
Lorsque j'arrivai chez Carter, il n'était pas là. Si j'en croyais le papier
qu'il avait laissé sur la table, il était sorti faire des courses, et je décidai
d'en profiter pour aller prendre un bain. J'avais bien besoin de ça, après la
journée que je venais de passer.
Quelques minutes plus tard, je me glissais dans l'eau brûlante qui me picota la
peau. J'avais besoin de faire un peu d'ordre dans mes idées, mais en même
temps je souhaitais pouvoir penser à autre chose. Je n'avais pas d'explication
à l'attitude de Mark et pour l'instant pas non plus l'énergie nécessaire pour
tenter de lui trouver des excuses. Je m'enfonçai plus profondément dans la
baignoire, gardant la tête sous l'eau pendant quelques instants. La voix de
Carter me parvint totalement déformée lorsqu'il m'appela. Je n'avais même pas
remarqué qu'il était rentré.
Je me dépêchai de sortir de l'eau, de me sécher et de me rhabiller avant de
le rejoindre à la cuisine. Je devais avoir une mine affreuse car quand il me
vit entrer, il me demanda aussitôt si tout allait bien. J'aurais aimé lui répondre
que oui, mais je n'avais pas la force de lui mentir et je lui expliquai ce qui
s'était passé. Tandis que je racontais cela à Carter, je sentis les larmes me
monter aux yeux. Je les avais retenues une bonne partie de la journée, et
savais que je ne pourrais pas le faire plus longtemps. Mais je n'avais pas envie
de pleurer devant Carter.
" Si tu veux, demain je pourrai aller parler avec Mark… " me dit-il
doucement tandis que je prenais une profonde respiration afin de tenter de me
calmer et de reprendre mes esprits.
Je ne pus m'empêcher de sourire. " Tu es gentil, Carter. Mais je suis une
grande fille et il vaut sûrement mieux que je le fasse moi-même… "
" Bien sûr, c'est évident. Mais si tu as besoin de quelque chose, je veux
que tu saches que je suis là… Si tu veux parler, ou quoi que ce soit
d'autre… "
Je levai les yeux vers lui et lui souris. Carter se montrait tellement gentil
avec moi. Je l'embrassai rapidement sur la joue avant de tourner les talons pour
regagner ma chambre.
***
Je quittai l'appartement de John le lendemain par un temps triste et maussade
qui s'accordait bien avec mon humeur du moment. Ce fut à contre cœur que je
m'engageai dans ces rues sales qui me menèrent à une station de métro déjà
bondée malgré l'heure matinale. Lorsque je descendis quelques stations plus
loin, il pleuvait à verses et le temps d'arriver au County, j'étais trempée
et frigorifiée. Je passai les grandes portes vitrées sans vraiment regarder
devant moi, et manquai de heurter la personne qui venait en sens inverse,
renversant à moitié le gobelet de café que j'avais acheté au petit stand
devant l'hôpital.
" Et merde " grommelai-je. " Je suis désolée… "
" Ce n'est rien, ça arrive. " J'avais déjà entendu cette voix. Je
relevai la tête pour constater qu'il s'agissait du même homme que j'avais déjà
bousculé deux jours plus tôt à l'hôtel, vêtu d'une blouse de médecin.
" Ca alors ! " s'exclama-t-il. " Qu'est-ce que vous faites ici ?
"
" Je travaille ici, j'ai commencé hier. "
" C'est vous qui avez pris le poste à temps partiel ? "
Je hochai la tête. " Le monde est petit parfois " continua-t-il.
" Je suis le Dr Kovac, mais vous pouvez m'appeler Luka. "
Son nom confirma ce que j'avais pensé en le rencontrant la première fois, il
venait sans aucun doute d'Europe de l'Est.
" Susan Lewis " fis-je en serrant la main qu'il me tendait.
" Enchanté de faire votre connaissance, Susan. " Je lui souris, puis
le quittai et me dirigeai vers la salle de repos. J'aurais aimé rester là à
faire la conversation, mais une ambulance venait d'amener de nouveaux patients
et dans l'immédiat je souhaitais vraiment pouvoir changer de vêtements et me sécher
les cheveux. Je finissais de me recoiffer lorsque j'entendis la porte s'ouvrir.
Je n'y fis pas vraiment attention, et lorsque je me retournai enfin je me
trouvai presque nez à nez avec la femme de Mark.
" Bonjour " me fit-elle d'un ton chaleureux, beaucoup plus aimable que
celui qu'avait employé Mark le jour précédent. Je me demandais ce qu'il lui
avait dit à mon sujet. Surtout ce qu'il ne lui avait pas dit, en fait.
" Bonjour " répondis-je, un peu mal à l'aise.
" Nous n'avons pas été présentées hier, je suis Elizabeth Corday.
"
Corday. Elle n'avait pas dû prendre le nom de famille de Mark en l'épousant.
Chloe non plus n'avait pas pris celui de Joe. A moins que ce soit juste par
habitude qu'elle se présentait encore sous son nom de jeune fille.
" Vous savez, j'ai beaucoup entendu parlé de vous " continua-t-elle
tout en enfilant sa blouse et en mettant un peu d'ordre dans son épaisse
chevelure rousse. Je jetai un œil dans sa direction et constatai que malgré le
ton jovial de sa voix, elle avait l'air terriblement fatiguée.
" Vraiment ? "
" Peter ne m'a fait que des éloges à votre sujet… "
Peter. L'espace d'un instant j'avais eu l'espoir futile que c'était par Mark
qu'elle avait entendu parler de moi, mais je devais me rendre à l'évidence, il
est rare qu'un homme parle de ses anciennes amies à son épouse.
" Et il paraît que vous et Mark étiez de très bons amis avant que vous
ne quittiez Chicago. "
J'aurais voulu lui dire que Mark avait été bien plus qu'un simple ami pour
moi, mais je savais que je ne pouvais pas faire ça, aussi je me contentai de
hocher la tête.
" J'aimerais que nous allions boire quelque chose un des ses jours,
histoire de faire mieux connaissance. "
" Ce sera avec plaisir. "
Elle sourit et tourna les talons, quittant la salle de repos certainement pour
monter en chirurgie. Elle avait l'air de quelqu'un de bien, et même si je ne
pouvais empêcher une vague jalousie de s'insinuer en moi, j'étais contente que
Mark ait trouvé quelqu'un comme elle et j'espérais sincèrement qu'ils soient
heureux ensemble.
Je pris une profonde inspiration, et quittai à mon tour la salle de repos pour
affronter cette nouvelle journée de travail et le flot de patients qu'elle m'amènerait.
***
La journée touchait à sa fin et je n'avais pas eu une seule minute pour
souffler. A cause du mauvais temps, un bus scolaire s'était à moitié retourné
sur la route, entrant par la même occasion en collision avec plusieurs
voitures. Même si aucun des blessés qui nous furent amenés n'était désespéré,
ils n'en furent pas moins nombreux. J'étais réellement épuisée et désirais
plus que tout aller me coucher, mais il y avait quelque chose que je devais
absolument faire avant de rentrer. Carter avait terminé sa garde deux heures
avant moi et m'avait proposé de m'attendre, mais je lui avais dit d'y aller.
J'avais remarqué qu'en quittant l'hôpital quelques minutes avant moi, Mark s'était
engouffré chez Doc Magoo, et après avoir hésité quelques secondes je pris
mon courage à deux mains et j'entrai à mon tour dans le petit restaurant. A
cette heure, il était presque vide, et je ne tardai pas à le repérer, assis
seul à une table au fond, me tournant le dos. Je m'approchai lentement et sans
bruit, et lorsque j'arrivai à sa hauteur, je posai doucement ma main sur son épaule.
Il se retourna brusquement, et lorsque ses yeux se levèrent vers moi, je sus
que la colère que j'avais éprouvée le jour précédent et le matin-même s'était
totalement dissipée.
" Mark, il faut qu'on parle… " murmurai-je. " Je peux ? "
ajoutai-je en désignant le siège en face de lui.
Il hocha la tête, je m'assis, et aucun de nous ne prononça un mot pendant
plusieurs minutes. Je tentai de déchiffrer l'expression de son visage, de ses
yeux, pour comprendre ce qui lui arrivait, mais en vain. Finalement, ce fut lui
qui prit la parole.
" Est-ce que tu veux boire quelque chose ? "
Je hochai la tête, et il fit signe à une jeune serveuse qui approcha aussitôt.
Elle revint quelques minutes plus tard avec nos consommations, un café pour moi
et une infusion pour lui. A nouveau, le silence s'installa entre nous. J'avais
envie de me lever, de le prendre dans mes bras. Je voulais qu'il me parle, qu'il
me dise ce qui n'allait pas. Autrefois, il avait été mon confident et moi la
sienne, et aujourd'hui c'était à peine si nous osions nous regarder. Une fois
de plus, je ne pus m'empêcher de penser que j'avais tout gâché.
" Susan je… je suis désolé… pour hier… j'ai été odieux avec
toi… Je te dois des excuses " fit-il enfin après quelques instants.
" Et des explications aussi… Pour hier, mais aussi pour tous ces mois où
je ne t'ai plus donné de nouvelles… "
" Je me suis posé tellement de questions… Je ne savais rien de ce qui
t'arrivait… Carter m'a expliquée, je ne sais pas quoi dire… "
" Je crois qu'il n'y a pas grand chose à dire… tu sais, ça n'a pas été
facile pour moi, l'année dernière… à cause de cette tumeur… Tous les
jours on voit des patients gravement malades, et on sait qu'on pourrait très
bien être à leur place ou celle de leur famille, mais on n'y pense même pas
car c'est impossible de s'imaginer soi-même ou quelqu'un qu'on aime en train de
mourir… "
Il s'interrompit une seconde. Je savais très bien de quoi il parlait. Trois ans
plus tôt, Chloe avait été opérée d'une tumeur localisée dans son sein
gauche et qui s'était heureusement avérée bénigne. Mais malgré cela, je ne
pouvais m'empêcher de frissonner à l'idée de ma sœur mourrant d'un cancer.
De même, je ne pouvais imaginer Mark perdre peu à peu ses facultés mentales
avant de s'éteindre à cause d'une tumeur qui lui envahissait le cerveau.
" Quand on m'a dit que j'étais condamné " reprit-il en me fixant de
ses yeux fatigués, " la première personne à qui j'ai pensé, ce n'était
pas Elizabeth… Je savais qu'elle serait là et que nous affronterions ça
ensemble… Mais j'ignorais comment je pourrais te le dire… il y a des choses
qu'on n'annonce pas comme ça, dans une lettre… sans doute que c'était plus
facile de… enfin, tu comprends… juste de ne plus écrire, car je ne pouvais
pas non plus faire semblant que tout allait bien… "
" Si tu m'en avais parlé je… "
" Tu serais venue aussitôt et justement c'est ce que je ne voulais pas…
Tu avais l'air bien, à Phœnix, je ne voulais pas te voir chambouler ta vie à
cause de moi… "
" Mark, Phœnix, c'était juste l'enfer… "
" Tu ne le penses pas " Il releva les yeux vers moi et me sourit. Je
préférais de loin ça.
" Tu n'imagines pas à quel point je le pense ! " Je lui rendis son
sourire, et l'espace d'un instant, tout fut comme avant, comme autrefois…
" Il y a quelque chose… on s'est écrit pendant plusieurs années, mais
on en a jamais parlé… Il y a cinq ans, pourquoi n'es-tu pas restée ? "
Je m'étais attendue à cette question, en fait, je crois que j'étais contente
qu'il la pose. Machinalement, je baissai les yeux quelques secondes avant de
reprendre la parole. Puis je lui expliquai tout… Le mal-être dans lequel je
me trouvais à cette époque-là, le besoin d'être sûre que Suzie allait
bien… La certitude de ne pas être aimée de lui.
" Jamais je n'aurais pensé que tu pouvais ressentir autre chose que de
l'amitié pour moi " conclus-je. " Ca n'entrait même pas en compte
dans ma décision, je pensais ne rien laisser derrière moi. Alors quand tu me
l'as dit… je… si tu me l'avais dit plus tôt… Seigneur pourquoi n'as-tu
rien dit plus tôt… "
Une fois de plus, je baissai les yeux et Mark prit doucement ma main dans la
sienne. Ce contact soudain me fit sursauter.
" J'aurais sans doute dû le faire… je crois que j'avais peur… "
Je comprenais bien cela. Car moi-même, j'avais toujours été terrorisée à
l'idée de lui dire ce que je ressentais. Je l'avais souvent regretté, peut-être
le regrettais-je toujours, je n'en savais trop rien.
" Susan, il y a autre chose… quelque chose que je dois te dire… "
Il me jeta alors un regard étrange, mêlé de peur, d'épuisement et de
tristesse. A ce moment précis, je compris que quelque chose n'allait pas,
quelque chose que j'ignorais. Je serrai sa main plus fort dans la mienne.
" Mark… "
" Laisse-moi finir… On a déjà dû te raconter en détail ce qu'il m'est
arrivé l'année dernière, la tumeur dont j'ai souffert, l'opération…
J'aurais dû être inopérable, mais finalement Elizabeth et moi avons trouvé
un chirurgien à New York qui justement s'occupait de cas "désespérés"…
"
" Alors tu vas mieux ? "
Il eut un sourire triste. " J'allais mieux… Il n'y a qu'Elizabeth qui
soit au courant pour l'instant, je n'en ai pas encore parlé à personne, pas même
à Kerry… Nous n'étions pas en vacances, la semaine dernière… J'ai passé
un scanner et une biopsie… Il y a une nouvelle tumeur… Glioblastome
multicentrique, exactement la même chose… Mais cette fois-ci, il n'y a rien
à faire… "
~*~*~*~*~*~*~*~*~
I feel just like I'm sinking, and I claw for solid ground
[Je me sens juste comme si je coulais, et je cherche un sol ferme où
m'accrocher]
I'm pulled back by the undertow
[Mais je suis entraînée par le courant]
I never thought I could feel so low
[Jamais je n'aurais cru pouvoir tomber si bas]
Oh Darkness I feel like letting go…
[Oh, Ténèbres, j'aimerais juste pourvoir me laisser aller…]
~*~*~*~*~*~*~*~*~
Je restai comme paralysée, incapable de faire le moindre geste, refusant de
croire ce qu'il venait de dire. Ca ne pouvait pas être vrai, j'avais dû mal
comprendre… il ne pouvait pas m'avoir annoncé qu'il allait bientôt…
" Oh non, Mark… " Les larmes me montèrent aux yeux sans que je
puisse rien y faire.
" Hé " murmura-t-il en passant une main sur ma joue. " S'il te
plaît, ne pleure pas… ce n'est pas pour ça que je t'ai tout dit. Je voulais
que tu le saches parce que ça me semblait important, mais je t'interdis de
pleurer… Je n'ai pas retrouvé enfin ma meilleure amie pour qu'elle soit
triste à cause de moi… "
Il me sourit, et je tentai de faire de même. Mais c'était tellement difficile.
Je ne voulais pas qu'il meurt, je ne voulais pas le perdre, pas encore une fois.
" Et pour hier… "
" Mark, je t'en prie… "
" Non, c'est important, j'ai vraiment été dur avec toi et je ne sais pas
comment m'excuser… Quand je t'ai vue, j'ai été tellement surpris, je ne m'y
attendais vraiment pas… La réaction que j'ai eue, je crois que d'une certaine
manière c'était de l'autodéfense… J'aurais tellement aimé que tu ne t'en
aille jamais… ou que tu reviennes plus tôt… "
Si seulement il avait pu savoir à quel point moi aussi, je regrettais de ne pas
avoir pris cette décision plus tôt… Pourquoi fallait-il qu'il s'en aille
alors que je venais à peine de revenir ? La vie peut-être tellement mal
faite…
***
Mark et moi restâmes plusieurs heures encore à discuter, et lorsque nous décidâmes
qu'il était temps pour chacun de nous de rentrer chez lui, la nuit était déjà
tombée depuis longtemps. J'errai encore longtemps dans les rues de Chicago
avant de trouver la force de retourner chez Carter. Lorsque je poussai la porte
de l'appartement, je constatai qu'il n'était pas encore couché. Il triait des
dossiers médicaux devant la télévision dont il avait coupé le son. Je me
dirigeai directement et sans bruit vers cette chambre qui était devenue la
mienne depuis quelques jours, j'avais besoin d'être un peu seule. Après une
quinzaine de minutes, alors que j'étais assise, recroquevillée, sur le lit, il
frappa à la porte et entra après que je l'ai invité.
" Est-ce que tout va bien ? " me demanda-t-il doucement en s'asseyant
à côté de moi et en posant une main dans mon dos. Je ne répondis rien, me
contentant de tourner la tête vers lui. Ne pas pleurer, pensai-je, ne surtout
pas pleurer, tu dois être forte. Et je retins donc les larmes qui me brûlaient
les paupières, ravalant mes sanglots et m'efforçant de sourire tandis que je
hochais la tête. Mais il ne fut pas dupe et comprit bien que je ne disais pas
la vérité. Cependant, il respecta mon silence, ne posant aucune question. De
toute façon, je ne pouvais pas lui en parler, ce n'était pas à moi de faire
ça. Il se contenta de m'attirer un peu plus près de lui, et j'appuyai ma tête
sur son épaule. Il resta longtemps auprès de moi, et tandis qu'il passait
doucement sa main dans mon dos pour tenter de m'apaiser, une foule de nouvelles
questions m'assaillirent. Même éloignée de Mark par des milliers de kilomètres,
jamais je n'avais cessé de penser à lui. J'avais certes de nombreuses fois
songé à la vie que j'aurais pu avoir avec lui si j'étais restée, mais plus
que tout je ne concevais pas ma vie sans l'ami si cher qu'il avait été, qu'il
resterait malgré tout. Et c'était ce même ami que je savais désormais que
j'allais perdre, quoi que je fasse…
***
A suivre...
[chapitre II] [chapitre
VI]