" Tu es sûre que ça va aller ? Tu devais peut-être rester à la maison, Kerry comprendrait… "

Susan jeta à Mark un regard exaspéré. L'attention qu'il lui portait était certes touchante, mais le fait de presque devoir insister chaque matin pour aller travailler depuis deux semaines commençait à la lasser sérieusement.

" Mark " fit-elle en se levant lentement de sa chaise, " je suis enceinte, pas infirme ! "

" Enceinte de trente-sept semaines, ce qui implique que tu peux accoucher presque n'importe quand… Tu sais ce qu'à dit l'obstétricien. "

" Que je dois me reposer le plus possible et éviter tout surmenage, ce qui est incompatible avec le travail de médecin d'urgences " fit Susan comme si elle récitait une leçon apprise par cœur. " Je sais, tu me le ressors à la moindre occasion. Mais laisse-moi te dire une chose : si ce bébé décide de naître avec trois semaines d'avance, ni toi ni moi ne pourrons l'en empêcher. "

Mark soupira. " Ca ne veut pas dire que tu ne doives pas rester un peu au calme… "

" Je te promets quelque chose " répondit-elle alors qu'il l'aidait à enfiler son manteau. " Jusqu'à ce que j'aie accouché, je ne m'occupe plus d'aucun trauma. De toute façon, mon gros ventre a tendance à ralentir chacun de mes mouvements.

Mark ouvrit la porte, laissa passer Susan puis la referma et la verrouilla.

" D'accord, mais attention à ce que je ne te trouve pas dans une salle de trauma ces prochains jours ! "

" Sinon quoi ? " demanda Susan en souriant.

Il ne répondit rien, se contentant de la regarder fixement pendant quelques secondes avant de l'attirer contre lui pour l'embrasser. Il trouvait que sa grossesse la rendait encore plus belle, et se réjouissait du mariage prévu un peu deux mois plus tard.

" Sinon je nous enferme tous les deux à la maison… " lui chuchota-t-il à l'oreille.

Susan eut un petit rire. " D'accord… " murmura-t-elle. Il l'embrassa encore, puis lui prit la main et ils descendirent lentement les trois étages d'escaliers.

" Il faudra vraiment rappeler au propriétaire de faire réparer l'ascenseur " grommela Mark, arrachant un sourire à Susan.

***

" Tu bois quelque chose ? "

Elizabeth leva la tête, surprise, pour apercevoir Luka qui se tenait debout devant elle. " Non merci " répondit-elle avec un sourire, tout en rangeant les dossiers qu'elle étudiait. " C'est gentil, mais j'ai déjà bu trois tasses de café depuis ce matin. "

Luka prit une chaise et s'installa à côté d'elle. " Tu commences bientôt ? "

Elle hocha la tête. " C'est allé au fait pour te lever ce matin ? "

" J'aurais bien dormi un peu plus " répondit-il en haussant les épaules, " mais ça en valait la peine, j'ai passé une soirée géniale. "

" Moi aussi, il faudra qu'on remette ça. "

Il prit sa main dans la sienne et la serra doucement. Elizabeth baissa les yeux. Durant les derniers mois, elle et le Dr Kovac s'étaient considérablement rapprochés et étaient devenus d'excellents amis. Cela ne faisait que quelques semaines qu'ils avaient décidé d'aller plus loin et qu'ils avaient commencé à sortir ensemble. Elle appréciait sa compagnie plus que celle de n'importe qui d'autre et se sentait toujours bien lorsqu'il se trouvait auprès d'elle. Elle savait qu'il l'écoutait lorsqu'elle lui parlait et qu'elle pourrait toujours se confier à lui. Mais malgré cela, elle n'était pas sûre des sentiments qu'elle ressentait à son égard. Elle savait, sans qu'ils en aient jamais vraiment discuté, qu'il avait beaucoup souffert une année auparavant lorsque Carol l'avait quitté pour rejoindre Doug à Seattle, et elle ne voulait pas qu'il doive revivre ça, pas par sa faute. Mais en même temps, chaque minute passée en sa compagnie était comme une douce musique dont elle aurait voulu qu'elle ne s'arrête jamais, si bien qu'elle ne savait pas vraiment quelle attitude elle devait adopter. Elle lâcha un soupire.

" Quelque chose ne va pas ? " demanda Luka en serrant sa main un peu plus fort.

Elle releva la tête, et lorsque ses yeux rencontrèrent les siens, si plein de douceur et de gentillesse, elle sentit ses doutes se dissiper, comme les nuages après l'orage. Cesse de te poser mille questions sur ce qui va se passer et comment ça va se passer, pensa-t-elle. Laisse simplement les choses arriver comme elles doivent le faire. Elle le regarda plus intensément, secoua la tête et déposa un léger baiser au coin de ses lèvres.

" Tout va très bien.. " murmura-t-elle.

***

Susan referma la porte de son vestiaire et enfila sa blouse par-dessus ses vêtements. Sa grossesse se passait merveilleusement bien, mais elle avait hâte d'arriver au bout. Elle ne regretterait certainement pas les nausées qu'elle ressentait toujours le matin en se réveillant ni les douleurs qui lui martelaient les reins tout au long de la journée. Sans compter les coups de pieds du bébé qui semblait la confondre avec un ballon de football. Elle sortit de la salle de repos et se dirigea vers le bureau de l'accueil.

" Et voici notre future maman ! " s'exclama Jerry lorsqu'elle s'approcha. " Comment vous portez-vous ce matin ? "

" Ca va bien, merci Jerry " répondit-elle. " Est-ce que tu as quelque chose pour moi ? "

Le réceptionniste lui tendit une pile de dossiers. " On a un homme avec des coliques en salle 3, une femme avec des nausées en salle 2 et une adolescente avec des maux de tête en rideau 4, je vous laisse choisir ! "

" Je prends celui-là " fit-elle en s'emparant du dossier se trouvant sur le dessus de la pile. " A plus tard ! " ajouta-t-elle en s'éloignant.

Elle tira le rideau qui séparait le lit de celui d'à côté et y découvrit une adolescente de quinze ou seize ans, appuyée contre l'oreiller. Une femme qui devait être sa mère était assise à côté d'elle, sur le bord du lit.

" Emily ? " demanda Susan en s'approchant. La jeune fille se redressa en entend son prénom. " Je suis le Dr Lewis, c'est moi qui vais t'examiner. Mais d'abord je dois te poser quelques questions. "

Emily hocha la tête.

" Tout d'abord, où as-tu mal exactement ? "

" Un peu partout " murmura l'adolescente. " Mais surtout là " ajouta-t-elle en désignant le côté droit de sa tête.

" Quand les douleurs ont-elles commencé ? "

" Ce matin. "

" Ce n'était pas la première fois ! " intervint sa mère.

" Maman ! " s'exclama la jeune fille. " J'aimerais assez que tu sortes ! "

" Enfin, chérie… "

" Lydia " fit alors Susan à l'intention de l'infirmière qui venait d'arriver pour voir si on avait besoin d'elle, " est-ce que vous pourriez conduire Mme Paige à la salle d'attente s'il vous plaît ? " Elle se tourna vers la femme avant de continuer. " Je viendrai vous voir dès que j'aurai fini d'examiner votre fille. "

La femme voulut protester, mais déjà Lydia l'emmenait hors de la pièce. Susan entreprit alors de tester les différents réflexes de sa patiente afin de s'assurer que ses maux de tête n'étaient pas d'ordre neurologique.

" Je vais demander quelques examens supplémentaires, pour être bien sûre qu'il ne s'agit pas de quelque chose grave, mais à mon avis il n'y a aucune raison de s'alarmer. Est-ce que tu dors suffisamment ? "

La jeune fille haussa les épaules. " J'ai des examens en ce moment, je travaille souvent assez tard. "

" Je vois. Je te ferai prescrire des vitamines et il faut absolument que tu te repose davantage. "

Emily hocha la tête. " J'ai bien essayé de dire à maman que ce n'était rien, mais elle a insisté pour m'amener ici. Elle a toujours la trouille que j'aie des trucs graves, à cause de ma sœur. "

" Que lui est-il arrivé ? " demanda Susan tandis qu'elle aidait la jeune fille à s'étendre.

Celle-ci baissa tristement la tête. " Elle était malade… au cœur… Elle est morte il y a un an et demi… "

" Je suis désolée… ça a dû être très difficile… " fit Susan d'une voix douce, pensant à la peine qu'elle ressentirait elle-même si elle perdait Chloe.

L'adolescente hocha la tête. " On croyait vraiment qu'elle allait s'en sortir, ils avaient même trouvé un cœurs à lui greffer… mais ça n'a pas marché… Vous l'avez peut-être connue d'ailleurs, je sais qu'elle est restée un ou deux jours aux urgences. "

" Je ne travaillais pas ici il y a un an et demi. "

" Ca ne fait rien. Quand elle téléphonait, elle parlait parfois de quelqu'un ici qui l'avait beaucoup aidée, elles s'entendaient bien… j'ai pensé que ça pouvait être vous… " Elle s'interrompit un instant avant de continuer. " Ah non, je suis bête, je me rappelle qu'elle avait dit qu'elle n'avait pas fini ses études. "

Susan réfléchit une seconde. Peut-être Abby, pensa-t-elle.

" Si tu souhaite rencontrer cette personne, je peux toujours me renseigner… "

" Vous feriez ça ? " demanda Emily un léger sourire illuminant ses traits délicats.

" Je vais voir ce que je peux faire " promit Susan avec un hochement de tête. " Mais d'abord, je vais aller rassurer ta mère. "

Quelques minutes plus tard, ayant laissé Mme Paige rejoindre sa fille en attendant les examens qu'elle avait demandés, Susan entra dans la salle de repos, espérant y trouver Abby, mais il n'y avait que Carter.

" Susan " fit-il en la voyant. " Tu es resplendissante ! "

" Je ressemble à une baleine tu veux dire ! " s'exclama-t-elle en riant. " Au fait, tu n'aurais pas vu Abby ? "

" Non, désolé. Pourquoi ? "

Susan lui expliqua brièvement.

" Ca me dit quelque chose " fit Carter lorsqu'elle eut terminé. " Quel nom tu as dit ? "

" Paige " répondit Susan. " Je crois que sa sœur s'appelait Valerie… "

Il avait déjà entendu ce nom quelque part, mais il avait déjà vu tellement de patients qu'il lui fallut un moment pour se souvenir de qui il s'agissait. Soudain, son visage s'assombrit ; Valerie Paige était cette patiente que Lucy avait désespérément tenté de sauver. En vain.

" Tout va bien, Carter ? "

Il leva les yeux vers Susan et hocha la tête. " Je devrais peut-être aller parler à cette jeune fille… " murmura-t-il en se dirigeant vers la sortie. Mais lorsqu'il se retourna, il vit à l'expression de Susan qu'elle ne comprenait pas. " Valerie Paige était une patiente de Lucy… " ajouta-t-il avant de s'en aller, laissant Susan seule et se demandant qui était Lucy. Il lui fallut quelques secondes avant de réalisé qu'il s'agissait de cette jeune externe décédée après qu'ils aient tous les deux été agressés.

***

" Mark ? "

La voix de Peter Benton tira Mark de la rêverie dans laquelle il était plongé.

" Salut Peter "

" Ca t'embête si je m'assois ? " Il désignait la place vide en face de Mark.

" Bien sûr que non " répondit celui-ci en tirant vers lui le plateau sur lequel était disposé son repas de midi.

" Comment se passe la grossesse de Susan ? " demanda Benton en s'installant.

" Ca va, je dirais même que ça va bien… Mais j'aimerais quand même qu'elle écoute les conseils de l'obstétricien et qu'elle fasse un effort pour se ménager un peu… "

" C'est connu que les médecins en savent toujours plus long sur leur état de santé que les autres médecins " fit Benton avec un sourire, se rappelant la fois où il avait dissimulé une crise d'appendicite jusqu'à devoir être opéré d'urgence, au grand bonheur de Carter qui avait eu la joie de pouvoir lui charcuter l'abdomen.

Mark soupira. " Elle est tellement obstinée parfois… "

" Carla était pareille quand elle attendait Reese. "

" Comment s'est passé l'accouchement ? " voulut savoir Mark.

" Elle a accouché prématurément… " lui rappela Benton. " Ne t'inquiète donc pas, tout ce passera bien pour Susan. "

Mark haussa les épaules. " J'imagine que je me fais du soucis pour rien… tu as certainement raison… et d'ici moins d'un mois il faudra que je réapprenne à langer un bébé et que je me réhabitue à être réveillé trois fois par nuit… "

" Je te souhaite bien du courage " fit Benton, le plus sérieusement du monde. " J'adore m'occuper de mon fils, mais je suis bien content qu'il soit un peu plus grand ! "

Mark hocha la tête. Il comprenait, en partie. Ca n'avait pas été tous les jours faciles pour lui et Jennifer, lorsque Rachel était venue au monde. Ils étaient encore tous les deux étudiants, et ne passaient donc pas beaucoup de temps à la maison. De plus, leur situation financière avait parfois frôlé la catastrophe. Jennifer avait dû prendre un travail dans une boutique qui la tenait éloignée du domicile familial encore plus souvent, et en plus de l'emprunt qu'ils avaient fait, il s'était vu obligé de demander de l'aide à ses parents. S'occuper d'un bébé dans de telles conditions avait été très difficiles, et tous les deux avaient été ravis lorsque leur fille avait acquis un peu plus d'indépendance et qu'elle ne se mettait plus systématiquement à pleurer chaque nuit, réduisant encore leur temps de sommeil déjà peu conséquent. Mais il savait aussi que les choses ne se passeraient pas comme ça cette fois-ci. Susan et lui étaient tous les deux des adultes qui gagnaient leur vie et sauraient trouver le temps d'être la pour leur enfant.

Mark jeta un œil à sa montre pour constater que sa pause était terminée. " Il faut que j'y aille " dit-il à Benton avant de se lever, emportant son plateau qu'il déposa sur une étagère prévue à cet effet.

***

Carter poussa la porte de la salle de repos et découvrit Susan étendue sur le canapé, place qu'elle occupait de plus en plus fréquemment depuis quelques semaines.

" Tout va bien ? " demanda-t-il en se dirigeant vers son vestiaire.

Susan leva les yeux et sourit au jeune médecin. " Ca va " répondit-elle en se relevant. Aussitôt, Carter se précipita pour l'aider. " Merci " Elle fit une légère pause avant de reprendre. " J'ai terminé, mais comme je me sentais un peu faible, j'ai préféré me reposer quelques minutes avant de rentrer. " Elle jeta un œil à l'horloge suspendue au mur de la pièce. " D'ailleurs je devrais y aller si je ne veux pas rater le métro… Mark finit dans quatre heures et je ne me sens pas la force de l'attendre… "

" Je peux te raccompagner " proposa Carter en se débarrassant de sa blouse qu'il déposa dans son casier et la remplaça par une veste de cuire de faux cuire brun.

" Je ne voudrais pas te déranger " fit Susan en se levant comme elle put.

" Ca ne me dérange pas du tout ! " répondit le jeune homme en faisant claquer la porte de son casier. " Bien au contraire, ça me fait plaisir. Si ce n'était pas le cas je ne te le proposerais pas. "

La pertinence de cette réplique laissa Susan à court d'arguments. Et puis, elle préférait tout de même faire le trajet en compagnie de Carter plutôt que seule sur une banquette de métro.

Quelques minutes plus tard, assis au volant de sa voiture et Susan installée à côté de lui, Carter mit le contact et démarra. En arrivant au sous-sol, il l'avait sentie se tendre et elle s'était accrochée à son bras, comme pour s'aider à marcher. En réalité, il savait très bien que depuis son agression, elle n'était jamais très rassurée de se retrouver dans ce genre d'endroits, même accompagnée.

" Comment s'est déroulée ta conversation avec Emily Paige ? " voulut-elle savoir lorsqu'ils eurent quitté le parking.

" Bien " se contenta de répondre Carter. " On n'a pas eu beaucoup de temps pour parler car ils sont presque tout de suite venus la chercher pour le scanner. "

En disant cela, il n'était pas complètement honnête. Il n'avait en effet pas discuté très longtemps avec la jeune fille, mais ce n'était pas exclusivement pour la raison qu'il avait évoquée. Il n'aurait pas eu grand chose d'autre à raconter à cette adolescente dont la sœur était morte depuis quelques mois - presque deux ans en fait. Elle avait voulu savoir s'il avait eu l'occasion de parler à Valerie lors de son hospitalisation. Il avait répondu négativement. Il avait seulement entendu parler de la jeune femme, il ne s'était pas occupé d'elle. Emily avait alors demandé à voir quelqu'un qui l'avait fait. Lucy.

" J'ai peur que ça ne soit pas possible… " avait-il marmonné.

" Pourquoi ? Val me parlait d'une fille de son âge qui… "

" Elle ne travaille plus ici… " l'avait-il interrompue, un peu brusquement, avant de se lever pour quitter la pièce. Au même moment, deux infirmières étaient entrées pour venir chercher la jeune fille, évitant ainsi à Carter de devoir prendre congé d'elle d'une manière qu'il n'aurait pas vraiment aimée. Il aurait voulu rester, discuter encore avec elle. Il savait dans quelles conditions Valerie Paige était décédée et aurait sans doute pu expliquer à sa sœur qu'elle était partie sans trop de souffrances, même si d'autres médecins avaient déjà dû le faire depuis longtemps. Mais cela avait été au-dessus de ses forces, car à chaque fois qu'il pensait à cette jeune femme, l'image de Lucy se matérialisait dans son esprit. Même s'il pensait de moins en moins souvent à elle, il savait qu'elle ne la quitterait jamais complètement, pas plus que la douleur et le sentiment de culpabilité qu'il avait ressentis en la perdant. Il n'avait jamais vraiment su définir la relation qu'ils entretenaient, tout comme il était incapable d'analyser ses sentiments vis-à-vis d'elle. Au début, lorsqu'elle était arrivée au County, elle n'était à ses yeux qu'une gamine incapable, agaçante et encombrante qu'il traînait partout derrière lui comme un prisonnier traîne son boulet. Puis leur relation avait changée, sensiblement, sans qu'il ne s'en rende vraiment compte. Un jour il s'était aperçut que le fait qu'elle soit toujours avec lui ne le dérangeait plus vraiment et il s'était senti seul quand elle était allée faire un stage en chirurgie. Ils étaient devenus plus proches, sans pour autant que leur relation ne franchisse les limites de l'intimité. Pourtant, il savait qu'à un moment donné elle aurait attendu davantage de lui. Mais même s'il ne pouvait nier avoir été attiré par sa jeune étudiante, il avait toujours rejeté l'idée d'une relation amoureuse avec elle, prétextant toujours le fait qu'il était son supérieur hiérarchique. En réalité, il estimait que cela aurait eu quelque chose de malsain, car, inconsciemment, il considérait davantage Lucy comme une sœur que comme une petite amie potentielle, au point qu'il lui soit arrivé, parfois, de la substituer à la sœur qu'il avait vraiment et qu'il n'avait pas vue depuis des années. Il désirait avant tout la protéger, et les réprimandes parfois violente qu'il lui assénait cachaient son désir de la voir réussir. Il voulait qu'elle soit la meilleure et lui en tenait rigueur lorsqu'elle ne se montrait pas à la hauteur de ses espérances.

" Carter ! " La voix de Susan le ramena à la réalité une seconde avant qu'il ne grille un feu rouge. " Je ne sais pas à quoi tu penses, mais tu devrait peut-être te concentrer sur la route ! "

" Désolé " murmura-t-il.

Susan s'enfonça dans son siège. Elle paraissait nerveuse, et il pouvait le comprendre. Il n'aurait jamais dû laisser vagabonder son esprit de la sorte alors qu'il était au volant, avec qui plus est une femme enceinte à côté de lui. Il voyait chaque jour des victimes d'accidents de la route gravement blessés, et s'il était arrivé quelque chose par sa faute au Dr Lewis et à l'enfant qu'elle portait, il aurait été incapable de se le pardonner.

" Quelque chose ne va pas, Carter ? " demanda-t-elle au bout de quelques minutes.

Il ne répondit pas tout de suite. " Le fait de lui parler de Lucy… " commença-t-il après quelques secondes, " de repenser à elle… "

Il laissa sa phrase en suspens et elle l'acheva à sa place. " C'est toujours douloureux… "

Il jeta un œil dans sa direction et hocha la tête, tandis qu'il manœuvrait pour garer sa voiture devant l'immeuble où elle vivait avec le Dr Greene. " Je comprends " Elle déposa délicatement sa main sur la sienne et lui adressa un petit sourire. " Un de mes meilleurs amis est décédé lorsque j'étais encore au lycée, Encore aujourd'hui il m'arrive de pleurer en repensant à lui. "

Carter hocha la tête et lui rendit son sourire.

" Est-ce que tu veux monter boire un café ? " proposa-t-elle.

***

La nuit était nuit était déjà tombée lorsque Mark rentra chez lui, épuisé et heureux de retrouver enfin Susan. La journée avait été longue, et il ne pouvait jamais s'empêcher d'être inquiet pour elle. Aux urgences, il voyait trop d'accouchement tourner au tragique pour ne pas se faire de soucis.

" Susan ? " demanda-t-il en poussant la porte de l'appartement. N'obtenant pas de réponse, il pensa qu'elle était déjà couchée et se dirigea vers leur chambre, mais elle ne s'y trouvait pas. De plus en plus anxieux, il se rendit à la cuisine puis au living room, pensant qu'elle avait pu sortir prendre l'air et qu'elle lui aurait laissé un mot. A moins qu'elle ne soit passée chez Chloe. Il allait s'emparer du téléphone lorsqu'il se mit à sonner…

***

Fin du chapitre I


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